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Les multiples facettes de la réalité

Aujourd’hui, en faisant mes courses dans les rayons d’une enseigne connue, je me suis mise à la recherche d’allumettes. Spontanément, je me suis rendue au rayon des bougies en pensant que les allumettes ne devraient pas en être éloignées. Mais je n’en ai pas vues. Le rayon des caquelons à fondue étant juste à côté, j’y ai jeté un oeil, sans succès. Je me suis donc résignée à demander l’aide d’une vendeuse. Cette dernière m’a entraînée vers le rayon des … piles électriques. C’est là que se trouvaient les boîtes d’allumettes.

Je me suis donc demandée quelle était la caractéristique commune des piles électriques et des allumettes. L’énergie … pardi! Historiquement, les plaques électriques ont remplacé la cuisinière à bois et les torches électriques ont succédé aux chandelles.

Allumettes

Image: fedecomite

En passant, j’ai remarqué que les boîtes d’allumettes que j’avais mises dans mon panier étaient ornées d’images de sites archéologiques fameux. Encore un exemple de muséographie nomade non exploitée …

Revenons cependant à notre quête d’allumettes. Nous avons procédé par association d’idées en reliant l’allumette à ce qu’elle peut allumer, plutôt qu’à sa fonction générique de source d’énergie. Autant de clients dans un magasin, autant d’associations différentes. Les supermarchés ont tendance à séparer les produits, plutôt que de les associer selon leur usage. Il faut dire que l’espace-temps est une dimension difficile à gérer et qu’un objet ne peut pas être à deux endroits en même temps. C’est justement la grande différence entre le monde que nous connaissons dans notre expérience quotidienne et le monde numérique où l’ubiquité est possible.

La navigation des sites Internet peut se montrer aussi contraignante que l’organisation des rayons d’un supermarché. Il lui ajouter aux objets numériques des méta-données, c’est-à-dire des informations qui les décrivent, pour en augmenter le dynamisme. Les produits que l’on trouve dans les magasins comportent de nombreuses informations, comme le prix, la composition, le mode d’emploi. Mais ces informations sont directement imprimées sur l’emballage ou sur une étiquette. Il faut avoir le produit en main pour les lire (et souvent de bonnes lunettes ainsi qu’un diplôme de chimiste). Il en va tout autrement dans le monde numérique où ces informations sont exploitables grâce à un moteur de recherche ou à tout autre programme. Il est possible de les utiliser pour construire la navigation des sites et donner des accès différents dans une même masse d’informations. On appelle cela le faceting browsing. Dans une librairie en ligne, on peut chercher les articles selon divers critères: auteur, genre littéraire, éditeurs, etc… On peut ensuite trier les listes de résultats selon la date de parution ou le prix. Cela donne au consommateur plus de possibilités de trouver ce qu’il cherche et de tirer parti de ses propres associations d’idées.

Ne rencontre-t-on pas le même problème dans l’organisation des musées? Les tableaux, les sculptures, les objets ne peuvent se trouver qu’en un seul endroit. Le conservateur doit donc décider du meilleur endroit pour les pièces de ses collections. Mais dans des domaines aussi subjectifs que l’art, les logiques deviennent très personnelles. Faut-il adopter une logique chronologique, géographiques? Faut-il mettre les oeuvres d’un même peintre dans une salle ou privilégier une approche thématique? Certes, les expositions peuvent remédier temporairement à la situation. Mais globalement les visiteurs partagent tous la même vue des collections. C’est donc l’un des avantages des musées virtuels sur Internet. Ils sont nommés virtuels justement parce que chaque visiteur va générer une vue de la collection qui lui est propre. Les musées virtuels présentent le grand avantage de permettre autant de visites que de visiteurs et de laisser ces derniers découvrir des oeuvres selon leurs intérêts personnels.

L’indexation des contenus est une des clés de l’évolution future d’Internet. On la trouve finalement dans tous les domaines novateurs, à commencer par les réseaux sociaux dans lesquels les individus s’indexent eux-mêmes. Grâce à cette indexation, le visiteur ou l’utilisateur a beaucoup de flexibilité dans l’exploitation de collections, qu’il s’agisse de produits, de pièces de musées ou de personnes. C’est l’émergence du Web sémantique qui se prépare.