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Communautés virtuelles Pratique

On s’appelle et on déjeune…

Cette phrase tue dans l’oeuf tout projet de réunir quelques amis autour d’un repas et d’un bon verre. En effet, concilier des agendas, rappeler pour annoncer que telle date ne va pas pour un autre participant potentiel, cela relève du casse-tête et met les nerfs à fleur de peau. Et dans la plupart des cas, on finit la soirée devant la télé…
Il existe un petit outil sur Internet qui permet d’organiser soupers, sorties de classe et réunions de comité sans soucis (pour autant que vous apparteniez à un mileu connecté). Il s’agit de Doodle.
Le site fonctionne simplement et, fait remarquable, il n’est pas nécessaire d’avoir un compte d’utilisateur. Il suffit de se connecter, de créer un sondage en choisissant les dates possibles. On reçoit alors un mail contenant une adresse sur Internet qu’on peut renvoyer à ses contact. Chacun peut alors saisir son prénom et cocher les dates qui lui conviennent. A la fin, on obtient un tableau: les colonnes qui ont le plus de cases vertes correspondent aux dates les plus favorables. Chacun peut aller supprimer son entrée et ressaisir les dates où il est libre. Ainsi, un participant potentiel peut s’arranger pour se libérer à un moment qui semble très favorable aux autres.
Le seul inconvénient est que n’importe quel participant peut détruire les entrées des autres. Mais tout de même, on est entre amis.


Pour que cette table ne reste pas vide, utilisez Doodle

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Usages

A quoi passe-t-on son temps sur le Web ?

Nielsen/Netrating vient de publier le top ten des sites les plus accaparants du Web (stickiest brands on the Web), pour le mois d’août*. Il donne, pour chaque entrée, le nombre d’heures passées en moyenne par personne.
Le site qui occupe en moyenne le plus ses visiteurs s’appelle Fanfinction.net**. Il permet la diffusion de fanfictions, c’est-à-dire de textes de fiction composés par les fans d’une série TV entre deux épisodes, les amateurs d’un jeu ou d’une BD. L’utilisateur moyen a passé un peu plus de 16 heures en août à publier ses histoires ou à lire celle des autres.
On compte aussi trois sites de poker en ligne, sur lesquels les joueurs bluffent entre 4 et presque 12 heures pendant le mois pris en considération.

Le site d’Electronic Arts, éditeur de jeux vidéos célèbre comme les Sims, Battlefield ou des jeux liés au sport (FIFA, NBA, NHL, etc…) retient ses visiteurs un peu plus de cinq heures. Une partie de ses jeux ont une version en ligne. Toujours dans le domaine des jeux, les enfants qui ont eu la chance de recevoir une peluche Webkinz ont pu s’occuper de son avatar électronique sur le site du même nom.
Le reste se partage entre des prestataires de service Internet, un éditeur de messagerie instanée multiprotocole (Trillian) et une compagnie d’électricité (allez savoir pourquoi !).
Si on jette un œil sur les mois précédents, on constate que Fanfiction.net, les sites de poker en ligne et les prestataires de services Internet sont déjà là (même s’il ne s’agit pas forcément des mêmes sites d’un mois à l’autre). Il y a en revanche des fluctuations pour ce qui est du reste des sites, qui sont probablement boostés par des effets d’annonces ou l’actualité.
Il est tout de même rassurant de constater que le site le plus attrayant, Fanfiction.net, est basé sur la créativité de ses utilisateurs. Le Web est aussi devenu un vaste espace de jeu. Le nombre d’heures passés en ligne par des joueurs fait peur. En effet, les jeux sont une des sources d’addiction sur le Web. Quant aux prestataires de services Internet, leur place n’est guère surprenante dans ce classement.

* http://www.clickz.com/showPage.html?page=3623509
** http://www.fanfiction.net/ . Pour ceux que cela intéresse, voici l’adresse d’un site de fanfiction en français: http://www.fanfictions.fr/

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Tendances

L’avenir du journalisme

Après l’industrie de la musique, c’est à la presse d’être chamboulée par le développement d’Internet et des technologies de l’information. Quel est l’avenir de ce paysage médiatique en pleine tempête ? Bien malin est celui qui pourra le prévoir. Actuellement on voit jaillir toutes sortes de tentatives, les unes plutôt réjouissantes, les autres porteuses de craintes. Petit survol.
Ce qu’on appelle le journalisme citoyen se développe sur le Net, à travers les blogs ou sur des sites collaboratifs comme Agoravox*. Les contributeurs ne sont pas rétribués de manière directe pour leur travail de recherche ou d’écriture, mais ils trouvent sur le Web une tribune. Ils constituent une alternative bienvenue à la presse traditionnelle, souvent imbriquée dans des conglomérats financiers et de plus en plus soumises à des impératifs économiques*.
Parmi les initiatives intéressantes, il y a celle de Jay Rosen, professeur de journalisme à New York University. Il préconise une sorte de journalisme open source : les idées de reportage proviennent des utilisateurs du site, qui vit de donations**. Ainsi on évite des intermédiaires entre le public et le journal en ligne. Le lancement du site est prévu pour l’an prochain. Il sera intéressant à suivre. C’est un système à double tranchant : les responsables du site pourraient être tentés de suivre la ligne souhaitée par les donateurs.
A l’opposé, une firme de conseils financiers, Thomson Financial, vient de lancer ce qu’on pourrait appeler le journalisme automatique****. Un système informatique recueille les informations financières, comme les résultats des entreprises. Il fabrique ensuite des dépêches pour les envoyer à des clients abonnés. Tout ce processus se déroule sans l’intervention d’un être humain. Le système compare par exemple le résultat annuel d’une firme au précédent. Le but du système est d’envoyer des nouvelles le plus rapidement possible, avec les risques que cela comporte. En effet, les marchés financiers sont très réactifs et il faut espérer qu’il n’y ait pas trop de failles dans l’algorithme à la base de ce système. La rédaction automatisée de brèves ne pourra se cantonner que dans des secteurs très limités, facilement programmables, ou à des systèmes rassemblant des dépêches. La critique littéraire ou le commentaire politique ont encore de beaux jours devant eux.


Automate créé par Jaquet-Droz au 18ème siècle, intitulé l’écrivain
Photo: Wikimedia Commons, Rama

Il est probable que les journaux en ligne seront, à l’avenir, un mélange entre journalisme professionnel et collaboration des lecteurs. Ces derniers fourniront des informations, commenteront les nouvelles qu’ils lisent, débattront en ligne, entretiendront des blogs sur les sites des journaux, comme c’est déjà le cas actuellement. Le travail des rédacteurs sera d’assurer une certaine cohérence à l’ensemble.

* http://www.agoravox.fr
** pour en savoir plus sur ce thème, il faut lire l’ouvrage de Joël de Rosnay, La révolte du pronétariat.
*** http://journalism.nyu.edu/pubzone/weblo … dn_qa.html
**** http://www.ft.com/cms/s/bb3ac0f6-2e15-1 … e2340.html

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Culture Musée virtuel Tendances

Vers un musée virtuel de la Suisse?

Internet provoque de profonds bouleversements dans les domaines les plus divers: industrie de la musique, du cinéma, commerce, médias. Qu’en est-il des institutions culturelles et des musées plus particulièrement? Y a-t-il virtualisation du contenu des musées?
J’ai consacré une étude à ce thème (dans le cadre d’une formation post-grade). Vous trouverez le contenu de cette étude à l’adresse suivante:

http://www.duplain.ch/virtualmuseum/complet.pdf

Dans ce travail, j’ai cherché à voir comment les musées pouvaient tirer parti du média Internet pour remplir leurs missions. J’ai également analysé un échantillon d’environ 200 sites de musée suisses, afin de mieux connaître la place qu’occupe le paysage muséal suisse sur Internet. Cette analyse montre que les musées suisses utilisent Internet essentiellement dans un but de communication institutionnelle. Une des raisons qui peut expliquer cette situation est certainement la taille des musées suisses, qui ne peuvent rivaliser avec les grands musées comme le Louvre ou le British Museum.
Mon étude aboutit donc à l’idée d’un musée virtuel de la Suisse dont le but serait à la fois de permettre aux musées d’avoir une place sur Internet, de créer un espace de partage des contenus et de promouvoir les musées.

Les réflexions initiées dans ce travail continuent. Mes idées évoluent et vous en trouverez régulièrement des échos dans ce blog. Une des pistes que je veux suivre est celle de l’accumulation de connaissances sur Internet. Les musées, les bibliothèques, les archives numérisent peu à peu leurs contenus. Le Web devient un espace virtuel du savoir. Quelles sont les implications de cet état de fait? Que deviendront les connaissances et les contenus qui n’auront pas trouver le chemin du Net?

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Tendances

Le grand fossé

Le 2ème Festival de philosophie de Fribourg a voulu traiter des mutations actuelles induites par le développement de l’informatique, des réseaux et d’Internet, en partant du film Matrix. Pour cela, ses organisateurs ont invité deux philosophes qui ont vu Matrix, Patrice Maniglier* et Frédéric Grolleau**, ainsi que Thierry Crouzet***, l’auteur du Peuple des connecteurs qui a eu le grand mérite, dans son livre, de montrer les développements scientifiques qu’il est essentiel de connaître pour pouvoir réfléchir à ce qui se passe sous nos yeux.

On a malheureusement assisté à un dialogue de sourds. Les deux philosophes, se réclamant d’une longue tradition, tentaient de voir quelles questions ce film pouvait poser et sous quel angle. On en revenait sans cesse à des questions classiques (et certainement essentielles) comme celle de la liberté, y compris dans le public. De son côté, Thierry Crouzet, installé sur le tabouret encore un peu brinquebalant d’une science très neuve qui remet profondément en question l’approche classique newtonienne (pour mémoire: sciences de la complexité), a montré quelles étaient les conditions technologiques pour créer une matrice. Il a aussi souligné un fait important auquel j’adhère depuis longtemps: les plus grands penseurs du XXème seront peut-être les auteurs de Science-Fiction. Ces derniers ont pensé à des problèmes tout à fait inédits que les philosophes traditionnels n’ont même pas pu envisager comme la vie avec des machines.
Frédéric Grolleau a expliqué que les frères Wachowski se sont inspirés de l’ouvrage de Baudrillard, Simulacre et simulation, auxquels ils font une allusion directe dans le film. Matrix tient du simulacre, une simulation que l’on fait passer pour vraie (alors que dans le cas d’une simulation, on sait qu’elle n’est pas réelle: c’est le cas du simulateur de vol). On peut se demander si cette distinction a encore une validité quand on voit ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine des univers virtuels (jeux en réseau, Second life). Il y a une imbrication complexe du réel et du factice. Une fois de plus, les concepts virtuel et actuel de Pierre Lévy sont bien plus opérants: un monde de possible s’actualise dans le réel.
Heureusement pour le débat, une personne dans le public a relevé qu’il y avait beaucoup de matrices déjà en activité actuellement.Et c’est là toute la question: comment vivre avec ces matrices? Comment entre-t-on et ressort-on de ces matrices? Patrice Manilier a convenu que c’était la question essentielle. Il faudra d’autres débats pour savoir comment y répondre.
Est-ce que seuls les philosophes peuvent faire de la philosophie? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres approches du monde comme la science qui peuvent aussi répondre aux questions essentielles? Comment faire dialoguer ces différentes approches? Les développements de l’informatique et des réseaux posent d’immenses questions, très nouvelles. Comme cela a été rappelé dans ce débat, on sait faire et lancer aujourd’hui des programmes qui ont ensuite un comportement imprédictible. Que penser de cela? Faut-il développer une philosophie de l’informatique, comme on a déjà une philosophie des sciences ou une philosophie du droit?

* un des auteurs de « Matrix, machine philosophique », 2003
** il a laissé un texte sur Matrix à l’adresse suivante: http://www.fredericgrolleau.com/article-3636249.html
*** http://www.tcrouzet.com/

NB: cette note a été légèrement modifiée, suite à un débat constructif avec l’un des philosophes mentionnés, Frédéric Grolleau, débat qui s’est fait par mail. Sa réaction première se trouve dans le commentaire ci-dessous. Il nous a aussi fait parvenir le texte de l’intervention qu’il aurait souhaité faire le jour de ce débat, mais pour laquelle il ne disposait pas de suffisamment de temps. Ce texte est très intéressant et donne des pistes concernant les questions que nous posons. Le lien se trouve dans une autre note.
En définitive, ce débat aurait dû être mieux préparé et balisé par ceux qui l’ont organisé.

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Général Pratique Tendances

JK Rowling n’utilise pas Writely …

… car si cela avait été le cas, elle n’aurait pas connu de problèmes avec les services des douanes américains, en voulant garder avec elle, dans la cabine, le précieux manuscrit du dernier épisode de l’histoire d’Harry Potter. En effet, si elle utilisait le traitement de texte en ligne de Google, elle pourrait travailler à son texte depuis n’importe quel endroit de la terre, pour autant qu’elle ait une connection Internet. Ce système est un traitement de texte en ligne: les fichiers sont sauvegardés à distance et on peut y accéder via un login (l’inscription est gratuite). Ainsi JK Rowling aurait pu s’éviter le transport de son manuscrit pendant son voyage aux Etats-Unis. Cela peut aussi épargner ceux qui l’utilisent de fâcheux accidents. Ainsi les documents électroniques ne sont pas perdus si le disque dur lâche. Et puis un manuscrit déposé dans un sac est si vite oublié (il paraît que Lawrence d’Arabie avait laissé la première version des Sept Piliers de la Sagesse dans une gare…).


Visiblement la plume auto-correctrice n’existe que dans l’imagination fertile de l’écrivaine.

L’informatique navigue entre deux visions d’architecture différentes. Selon la vision du terminal, commune au temps des grands centres de calcul, on a une ou plusieurs unités centrales puissantes et pourvues de grandes capacités de mémoire et des petites unités permettant d’accéder aux applications et aux dossiers de l’unité centrale. Selon la vision du PC (personal computer), chacun est muni d’ordinateurs relativement puissants, contenant fichiers et applications. Avec Internet, on arrive à jouer sur les deux tableaux. D’une part, malgré les capacités des PC, il y a de nombreuses offres pour des applications à distance (à commencer par les communautés de blog). D’autre part, on essaie de réunir des capacités de calcul en mettant en réseau des ordinateurs personnels, à l’instar du projet SETI dont le but est de repérer des messages extra-terrestres ou d’autres projets, en météorologie notamment. Voilà donc un exemple de plus des phénomènes de virtualisation et de déterritorialisation induits par le Net.

http://www.writely.com/

http://setiathome.ssl.berkeley.edu/

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Culture Musée virtuel Usages

Tate Online

La collection Tate est la collection nationale anglaise. Elle réunit 65’000 oeuvres d’art de 1500 à nos jours. Elle présente sur Internet ses différents musées ainsi que son offre en ligne, très riche. En effet, l’ensemble de la collection est accessible sur Internet. Il est possible d’y faire des recherches de multiples manières: par artiste, par thème ou par une requête sur la banque de données. Pour chaque oeuvre, on obtient une fiche signalétique ainsi que les mots-clés qui ont été utilisés pour l’indexer. Dans la plupart des cas, il y a une image. Si elle est absente, c’est pour des raisons de copyright. On a parfois une photo de l’oeuvre en place dans le musée, ainsi que des textes.
Le site Tate Online offre aussi un mode d’accès intéressant à une partie de la collection: Le Carousel. Plusieurs oeuvres apparaissent sur la page. L’internaute peut cliquer sur les images de son choix. Ces images s’incrivent dans une colonne (Favourites). Les oeuvres déplacées sont peu à peu remplacées par des oeuvres correspondant aux mêmes sujets. Ainsi l’utilisateur peut influer l’apparition des oeuvres. Par exemple, si on choisit des tableaux présentant des chats, des chiens, des chevaux, etc…, on aura toujours plus d’oeuvres avec des animaux. Cela permet de découvrir des oeuvres en jouant avec elles.
A côté du catalogue en ligne, Tate présente également l’ensemble des activités de ses musées, avec un fort accent sur les événements: il est possible d’avoir une vue des expositions passées ou actuelles, de regarder la vidéo d’une conférence organisée par l’un des musées (par exemple une conférence de Christo et de son amie Jeanne-Claude). Les travaux de recherche de l’institution sont aussi largement décrites. Enfin, il y a une importante section permettant d’apprendre grâce à et autour de la collection. Tous les publics sont visés: des enfants qui trouvent de nombreuses activités récréatives aux adultes souhaitant acquérir des notions sur l’art. Pour ces derniers, il y a un partenariat avec l’Open University qui est une des références mondiales en matière d’enseignement à distance. Dans le domaine des services, outre le shop classique, il est possible d’acheter son ticket en ligne.

Ce qui frappe dans cette offre, c’est sa richesse et sa variété. Il est possible de passer des heures sur le site sans s’ennuyer un seul instant. Ses initiateurs tirent parti de l’ensemble des technologies disponibles pour présenter la collection et les activités des musées. C’est peut-être l’un des meilleurs sites Internet de musée à l’heure actuelle. Le parfait exemple de ce qu’est un cybermusée.

:-)

http://www.tate.org.uk/

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Culture Livre Science Tendances

Le peuple des connecteurs

Internet change le monde. Il manquait un livre pour exprimer la radicalité des modifications induites par le Web et l’informatique, mais il est paru cette année. Intitulé « Le peuple des connecteurs », il est dû à la plume de Thierry Crouzet, auteur de nombreux ouvrages sur l’informatique et Internet.
Le livre se veut un peu l’évangile des connecteurs, c’est-à-dire des personnes qui forment un réseau (et qui en sont conscients en jouant le jeu de ce réseau), notamment au moyen d’Internet. Il se présente sous la forme d’un « décalogue ». Ses commandements, au nombre de 12, semblent exprimer le contraire du bon sens : le premier nie bien sûr tout statut de loi aux conseils que donne le livre (ne pas obéir). Les autres tentent de remettre en question les idées reçues de notre société : ne pas voter, ne pas légiférer (mais laisser l’auto-organisation se mettre en place), ne pas étudier (pour ne pas subir les cadres trop rigides du système académique), ne pas promettre (parce que c’est tout simplement illusoire), ne pas manifester (mais agir dans son coin en pensant à la globalité), ne pas compliquer, ne pas travailler (mais être un indépendant pour qui le travail est aussi un plaisir), ne pas rationaliser (et remettre Descartes en boîte), ne pas croire, ne pas mourir et enfin ne pas provoquer. Tout au long de ses développements, l’auteur fait découvrir à son lecteur les origines d’Internet, de l’informatique, les domaines de la science permettant de comprendre le développement fulgurant du Web : cybernétique, sciences des systèmes complexes, de l’auto-organisation, du chaos, des réseaux, etc… Il évoque des figures scientifiques de première importance comme Wiener, von Neumann, Turing et bien d’autres, sans oublier des auteurs de science-fiction dont la prescience ne cessera de nous étonner. Il nous emmène dans un voyage intellectuel fascinant. Il présente, par exemple, dans le chapitre 6, un courant de pensée qui, partant des automates cellulaires produisant des motifs extrêmement complexes à partir de règles très simples, essaie de montrer que le monde s’est peut-être développé de la même manière, à partir de règles de base simples. Ainsi, « quand la simplicité engendre la complexité – comme c’est sans doute le cas dans la nature-, la seule approche descriptive est la simulation. » (p. 189). L’ordinateur n’est plus seulement un outil de travail et de communication, il devient un laboratoire permettant de connaître le monde. Mais si un programme informatique peut simuler un monde aussi complexe que le nôtre, alors nous sommes peut-être nous-mêmes dans une simulation. Des philosophes s’interrogent très sérieusement et posent d’une manière très subtile la question un peu grossièrement traitée dans Matrix*. L’ouvrage se termine en montrant les prolongements que la technologie peut apporter à la vie humaine et ceux qui croient à cette idée. C’est peut-être le chapitre de trop, le transhumanisme (c’est ainsi qu’on appelle ce mouvement) ayant des relents un peu sulfureux (comme le reconnaît du reste l’auteur).
Comme les livres qui brossent des paysages intellectuels, ce livre a quelques défauts. Nous avions évoqué la question de la pomme empoisonnée de Turing qui pourrait être ou non celle du constructeur d’ordinateur Apple. Une petite erreur aisément vérifiable. Parfois l’auteur prend des raccourcis un peu vertigineux, en tout cas pour ceux qui ne sont pas habitués à la lecture d’ouvrages scientifiques. Cependant l’ouvrage a des mérites plus grands et nous fait prendre conscience de la profondeur des changements que connaît notre époque et de la place de plus en plus grande que l’informatique prendra, non seulement comme domaine technique, mais également comme paradigme. Si nous voulons prolonger ces questions, nous ne pouvons qu’en appeler au développement d’une philosophie de l’informatique. Ce n’est donc pas un hasard total si Thierry Crouzet est l’un des invités du 2ème festival de philosophie, le week-end**.

* http://www.nickbostrom.com/

** http://www.festivalphilosophie.info/

http://www.tcrouzet.com/

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Culture

Le Web en débat

Pour ceux qui souhaitent débattre de problématiques concernant le Web, deux discussions sont organisées prochainement en Suisse romande:

Matrix, métaphore de la ville virtuelle
Participants: Patrice Maniglier, Thierry Crouzet et Frédéric Grolleau
dans le cadre du 2ème Festival francophone de Philosophie
Samedi 16 septembre, à 20h00, à Fribourg (Aula du Collège Saint-Michel)

Site du festival: http://www.festivalphilosophie.info/

Thierry Crouzet est l’auteur de l’ouvrage « Le peuple des connecteurs », qui donne un éventail de ce qui constitue l’arrière-fond intellectuel de l’Internet et de la société qu’il implique. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Site et blog de Thierry Crouzet: http://www.tcrouzet.com/

Les dangers d’Internet: lorsque la Toile nous traque
Participants: Nathalie Tissot, Pascal Felber
dans le cadre de Cafe’IN, les cafés scientifiques de l’Université de Neuchâtel
Mercredi 18 octobre, de 18h00 à 19h30, Restaurant de l’Interlope, Neuchâtel

Site de Cafe’IN: http://www2.unine.ch/cafescientifique

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Science Usages

La suite sur www…

Hier j’ai assisté à une avant-première du film consacré à la croisade écologique menée par Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis (sous Clinton) et candidat malheureux à la présidence contre G. Bush (mais ayant tout de même obtenu plus de voix que lui). Depuis son échec électoral, Al Gore parcourt les Etats-Unis, et même le monde, pour présenter la problématique du réchauffement climatique. Précisons qu’il ne s’agit pas d’une reconversion, mais d’un combat qu’il menait déjà avant de devenir co-listier de Bill Clinton.
Son show est remarquable du point de vue de la communication et pourrait même devenir un cas d’école. Il mêle de façon subtile résultats scientifiques et souvenirs personnels. Il présente des images choc (comme celles des inondations en Suisse de l’été dernier ou de nos glaciers qui se réduisent comme peau de chagrin). C’est un peu « Le réchauffement climatique pour les nuls » (avec tout le respect que l’on doit à cette collection), mais dont les conséquences doivent être prises avec le plus grand sérieux. Je suis sortie de cette projection avec le sentiment que, si je vis le nombre d’années que me promet l’espérance de vie, je pourrais encore être le témoin de profonds et soudains changements climatiques.
Bien entendu, quand on voit un pareil film, on a envie d’en savoir plus, de rester en contact. Les initiateurs du film y ont songé, puisqu’ils mettent dans le générique de fin l’adresse d’un site Internet:

http://www.climatecrisis.net

En rentrant chez moi, je me suis précipitée sur mon ordinateur. J’ai tapé l’adresse de mémoire et là, je suis un peu restée sur ma fin. J’avais imaginé un site communautaire, dynamique, dans la philosophie du Web 2.0. Déception! Il s’agit d’un site classique de promotion, avec un calculateur permettant d’évaluer ses dépenses énergétiques, des liens vers des initiatives pour stopper le réchauffement climatique et quelques conseils pour vivre de manière plus écologique, sans oublier la présentation du livre accompagnant le film. Le site lui-même n’est guère optimal du point de vue de son ergonomie. Je trouve un peu dommage qu’après un show aussi bien pensé du point de vue de la communication, Al Gore et son équipe n’essaient pas de traduire leurs idées dans le monde virtuel. C’est d’autant plus dommage qu’en tant que vice-président des Etats-Unis, Al Gore s’était vu confier le chantier des autoroutes de l’information. Encore un des méfaits de l’effet diligence !

ALLEZ VOIR LE FILM !