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Internet dans un petit appareil

C’est toujours un peu dangereux de jouer les Madame Soleil en essayant de deviner les tendances de développement d’Internet pour les années à venir. Mais pourquoi pas? Cela donne en tout cas l’occasion de faire le point sur les développements marquant de 2009.

Le téléphone portable est en train de devenir le mode d’accès le plus important à Internet

Les statistiques montrent que le téléphone portable est devenu l’outil de communication le plus diffusé. L’Union Internationale des Télécommunications estime qu’à la fin de 2009, il y 4,6 milliards de souscriptions à un service de téléphonie mobile. Bien entendu, les téléphones portables permettant l’accès à Internet ne sont pas majoritaires: actuellement, le taux de pénétration est de 9,5 téléphones portables avec accès à Internet pour 100 habitants.

http://www.itu.int/ITU-D/ict/material/Telecom09_flyer.pdf

Le téléphone portable présente de nombreux avantages: léger, multi-fonctionnel, personnel (en Occident en tout cas), bénéfiant d’une large couverture réseau, bon marché à l’achat (moins à l’usage). La génération des smartphones en a fait un appareil permettant l’accès à Internet, un accès qui ne se limite pas à la consultation, mais aussi à l’écriture et à la participation aux réseaux sociaux. De fait, le téléphone est devenu un média en soi, avec ses propres modèles éditoriaux et ses règles de fonctionnement. Brièveté, fugacité et alertes. De plus en plus de sites ont une version pour téléphones mobiles. De nombreux producteurs d’information prennent en compte ce canal. L’information via le téléphone est aussi très liée à la localisation, ce qui redonne un nouveau souffle au concept de réalité augmentée. Finis les sacs à dos et les lunettes 3D, qui sont restés à l’état de prototype. Il suffit de sortir son téléphone pour en savoir plus sur le lieu où on se trouve … à condition d’avoir la bonne application. Le foisonnement des applications, c’est sûrement la maladie d’enfance des téléphones. Mais on a aussi connu ça sur les PC. La nature de l’information disponible grâce au téléphone peut se résumer avec la locution latine “hic et nunc” qui signifie ici et maintenant.

Les réseaux sociaux vont arriver dans leur phase de maturité

Il est probable que les réseaux sociaux vont arriver dans une phase de maturité dans laquelle les usages pourront se fixer. On a connu ce phénomène avec les blogs. Après une phase inflationniste où chacun a créé son blog pour dire tout et rien, le blog a trouvé sa vitesse de croisière. Il est maintenant bien intégré dans l’arsenal des communicateurs et prend une place toujours plus grande dans le paysage informationnel où il remplace souvent les listes de communiqué de presse. Des sites comme celui de la Maison Blanche ou du 10 Downing Street ressemblent maintenant à des blogs. Une firme comme Google en a fait son principal outil de communication. Les blogs actuels n’offrent pas nécessairement la possibilité de commenter. Ils constituent un nouveau format, plus accessible au grand public.

Pour l’instant, les réseaux sociaux sont encore dans la phase où tout le monde veut s’y mettre et personne ne sait comment les utiliser. Il y a beaucoup d’essais, d’expérimentations. La situation devrait se décanter peu à peu et ces instruments trouveront leur place. Mais ce ne sera peut-être pas encore pour 2010.

L’avenir de la presse est à construire

La presse va encore subir de profonds changements. Internet a certainement joué un rôle de catalyseur dans la crise de la presse, mais ses véritables causes sont peut-être ailleurs. L’information a été dénaturée parce qu’on en a fait un produit dont on pensait qu’on pouvait le vendre comme des boîtes de conserve. C’est vrai pour l’actualité comme pour l’information culturelle. Les contenus des journaux sont devenus du easy reading: pages people et conseils d’achats, témoignages et tests psychologiques remplacent allègrement le reportage d’un journaliste d’investigation ou les critiques sur le monde de l’art. Dans le domaine de l’édition, on fait de même en tablant essentiellement sur des bestsellers. Tout cela a fait le jeu de la concurrence présente sur Internet: blogosphère, journalisme citoyen, encyclopédie collaborative. Cela d’autant plus facilement que les contributeurs sur Internet on érigé la gratuité en dogme fondamental. De fait, l’avenir du journalisme et de ses règles déontologiques nécessaires est encore difficile à percevoir. Actuellement les formes hybrides comme le Post.fr ou Rue89 sont en vogue. Elles allient vitesse de réaction, collaboration et vérification professionnelle des informations.

http://www.rue89.com/

http://www.lepost.fr/

Certains tablent aussi sur le retour du journaliste, qui (re)deviendrait sa propre marque (comme Henry Morton Stanley ou Albert Londres, sans parler des modèles imaginaires comme Tintin). On retournerait au temps des grandes plumes. Les journalistes auraient leur propre blog, écriraient des articles pour d’autres titres et des livres.

http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2009/09/mon-avenir-estil-de-devenir-une-marque-.html

Une autre hypothèse serait la création de plateformes comparables à iTunes où les utilisateurs pourrait télécharger des articles contre des sommes minimes ou un abonnement. Le micro-payement constituerait (peut-être) une solution au problème lancinant du financement de la presse.

http://www.journalismonline.com/

Good enough revolution

C’est peut-être l’une des tendances qui est apparue au grand jour cette année, même si elle existait sur Internet depuis longtemps. La thèse principale de cet article de la revue Wired est la suivante: les utilisateurs ne recherchent pas les meilleures solutions, mais se contentent de ce qui marche. Ils téléphonent avec Skype, même si le son n’est pas optimal. Ils regardent des vidéos sur You Tube et vont moins au cinéma (mais ils iront peut-être pour Avatar). Ils achètent des Netbooks. Bref, le porte-monnaie est peut-être devenu le critère fondamental de choix, tant que le résultat est là.

http://www.wired.com/gadgets/miscellaneous/magazine/17-09/ff_goodenough

Le web sémantique

Cette année est apparu Wolfram Alpha. Ce moteur de recherche a popularisé une fonctionnalité que l’on trouvait déjà sur quelques sites: un moteur de recherche qui répond directement aux questions, sans donner une liste de liens qu’il faut encore ouvrir les uns après les autres. Désormais ce n’est plus à l’utilisateur de rechercher lui-même des réponses à ses questions. Les nouvelles générations de moteur de recherche devront les lui fournir. Pour cela, ils devront exploiter les données et les métadonnées présentes sur Internet. Ils devront aussi comprendre le langage de l’utilisateur. Ils devront aussi lui donner des réponses contextuelles, liées à sa position géographique par exemple. L’utilisateur aura accès directement aux informations nécessaires là où il est, quand il en a besoin.

http://www.wolframalpha.com/

En conclusion …

Boule de cristal

Dans le futur, j’accèderai à Internet grâce à un petit appareil de rien du tout dans ma poche. Il me coûtera un peu d’argent, chaque mois ou à chaque transaction. Quand j’aurai besoin d’une information (et même si je ne la demande pas), elle me parviendra en tenant compte du contexte. Quand j’arriverai à la gare, mon petit appareil me signalera des grèves. Si je prends l’avion pour un pays lointain, il m’informera d’un coup d’état. Quand je ferai les magasins, il me dira si le prix indiqué est trop élevé. Si je suis d’accord, il règlera lui-même la note. Quand je passerai devant la maison natale d’un grand homme, il me donnera sa biographie. Il me dira même qu’un de mes potes se promène dans les alentours.

Mais ce petit appareil ne sonnera pas quand passera devant moi l’homme de ma vie ou si ma voisine fait un malaise. Il me dira peut-être des choses stupides, comme de faire demi-tour dans un tunnel. Il ne remplacera pas mes amis. Il me donnera le nom d’un peintre devant un tableau, mais il ne saura pas me dire pourquoi cette peinture est belle. Avec lui, je me sentirai seule.

Bonne année 2010

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La carte n’est pas le territoire

Les caméras de surveillance du tunnel du Gothard ont permis de surprendre des automobilistes en train de faire un demi-tour à l’intérieur. Comment expliquer cette manoeuvre périlleuse. Le navigateur GPS avait opté pour la route du col et ordonnait au chauffeur de rebrousser chemin. Il s’est trouvé quelques chauffeurs qui ont obéit aveuglement à leur machine plutôt que de s’en remettre à leur simple bon sens.

Article 20 Minutes

Jeu de lumières dans le tunnel du Gothard

Photo prise avec un Iphone dans le tunnel du Gothard (depuis la place du passager)

Il est peut-être temps de rappeler le principe selon lequel la carte n’est pas le territoire. On doit ce mot à Alfred Korzybski. L’esprit humain connait le monde de manière limitée, par les perceptions qu’il en a. Il en construit une représentation (la carte), qui est avant tout un système de symboles. Il faut faire une distinction entre le symbole et ce qu’il représente: alors que le mot “chien” ne mord pas, un vrai chien risque de vous attraper le mollet. S’il n’y a aucun danger à jouer avec le mot “chien” en faisant des plaisanteries, il n’en va pas de même quand on taquine un vrai chien.

Aujourd’hui non seulement les systèmes symboliques sont numérisés (ce qui est très pratique), mais ils sont accessibles de presque partout. On ne les consulte donc pas avant une activité, mais tout au au cours de cette activité: cartes, guides touristiques, horaires de voyage. Tout se fait en temps réel. Cependant accorder à ces systèmes plus de confiance qu’à nos yeux et à notre bon sens relève de l’inconscience. La carte peut être fausse. L’itinéraire sélectionné par l’intelligence artificielle peut être différent. L’horaire peut avoir subi des modifications. Le tableau peut avoir changé de place. On ne compte donc plus les mésaventures provoquées par ces appareils censés nous guider. Dans bien des cas, les conséquences ne sont pas trop dramatiques. Mais dans certaines situations, le danger peut être sérieux.

Bien entendu, nous serons tous d’accord pour admettre que les navigateurs rendent de grands services et qu’ils assurent la paix des ménages sur la route des vacances. Mais celui qui les utilise doit rester conscient de la distinction entre carte et territoire. Un curseur de pixels n’aura jamais d’accident, mais la tôle d’une voiture se froisse au moindre choc, sans parler de la santé de ses passagers. Alors prudence!

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T’es plus ma copine

Les lexicographes du New Oxford American Dictionary observent les changements de la langue et chaque année, ils choisissent le néologisme qui témoigne le mieux des tendances de l’année. Il doit s’agir d’un terme qui a une portée culturelle et qui correspond à un usage. Pour 2009, le choix s’est porté sur “unfriend”. Il s’agit d’un verbe qui définit l’action d’enlever une personne de sa liste d’amis dans un réseau social sur Internet. Ce terme est une aberration linguistique, l’adjonction du suffixe un- indiquant le fait de défaire ce qui a été fait suppose un verbe “friend”, qui n’existe pas. Mais une langue est gérée par ses locuteurs et nous ne pouvons que constater les usages une fois qu’ils sont massifs. C’est donc sur le sens de ce terme qu’il faut nous interroger.

http://blog.oup.com/2009/11/unfriend/

L’amitié est souvent considérée comme un sentiment solide, indéfectible et plus durable que l’amour. Seule la mort peut le délier, comme le souligne Georges Brassens dans sa chanson “Les copains d’abord”: “Quand l’un d’entre eux manquait à bord, c’est qu’il était mort”. Les technologies de l’information et de la communication ont provoqué des changements importants dans les relations humaines. Il faut cependant faire quelques nuances. L’individualisme et les pratiques de consommation y sont aussi pour quelque chose, de même que la disparition progressive des lieux de socialisation. Le téléphone portable et Internet ont certainement amplifié le phénomène et lui ont donné une dimension qu’il n’aurait pu atteindre autrement.

Qui est donc l’objet de cette action “unfriend”: l’individu de chair et de sang ou son double numérique? A qui se lie-t-on à travers les réseaux sociaux sur Internet? A la personne ou bien à son profil? Les sentiments qui se sont construits par le biais de moyens techniques semblent toujours plus commutables que ceux qui se sont noués dans la vie réelle. Bien avant qu’Internet ne devienne un phénomène aussi important, Philippe Léotard chantait:

mainten’ant j’te rembobine
j’te reset pas, j’te rewind,
j’te pause, j’te stoppe j’t’ejecte
j’te forward, j’te play plus.
t’es plus ma copine,
t’es plus mon amour,
t’es plus présente dans mon avenir

Dans ce texte, la métaphore technologique rend la rupture plus simple, plus définitive. On n’a pas à affronter un regard, un cri, des larmes. Il suffit maintenant de presser sur un bouton, de cliquer, d’envoyer un sms. La lâcheté est au bout du fil. Le truchement des machines facilite le lien comme sa dissolution. Alors qu’avant Internet, la construction d’un réseau social était fortement contrainte par la géographie, la société s’est fortement virtualisée. Les études sur les réseaux ont montré que chaque membre est à quelques noeuds de tout autre. Potentiellement on peut être l’ami de tous. Par conséquent, à la moindre friction, on préfère aller voir ailleurs plutôt que d’essayer d’aplanir les difficultés.

On le sait, le maillon le plus faible détermine l’état du réseau. La volatilité des relations qui naissent à travers les technologies de l’information finissent par déteindre sur le reste de la société. Le sociologue polonais Zygmunt Baumann parle d’amour, de société liquide pour décrire la fugacité des relations à notre époque.


ICrushALot.com

Est-ce une fatalité? Internet ne doit-il mener qu’à des relations humaines sans profondeur, sans durée? Pas forcément. Les individus devront réfléchir à leurs attentes plutôt que de consommer de la relation. Le Web peut aider à maintenir son réseau de connaissances réel. Nous avons tous des amis d’enfances, des copains qui habitent dans d’autres villes ou pays, des cousins éloignés. Les réseaux sociaux permettent de garder le contact avec ceux qui l’on connait déjà. Ils peuvent bien entendu renforcer les contacts professionnels.

Devant la raréfaction des lieux de socialisation, Internet est devenu également un espace de rencontre, aussi bien pour l’amitié que pour l’amour. Les liens qui se créent doivent bien se matérialiser. Les individus doivent bien se rencontrer. Avec le jeu des pseudonymes et des profils mystérieux, il est difficile de savoir si un ami habite à 1000 kilomètres ou bien dans le pâté de maison voisin, comme dans le film “Vous avez reçu un message”. Mais la géolocalisation commence à être intégrée aux réseaux sociaux. Nous avons déjà parlé du réseau Aki Aki. Cette application permet de trouver des gens qui se trouvent à proximité, grâce à son téléphone portable. Un nouveau réseau social fait fureur en Amérique du Nord: Foursquare. Il permet de donner de bonnes adresses et de créer des listes de choses à faire. Google prépare Favorite Places. Bien entendu, un téléphone portable est indispensable pour profiter de ces applications.

On en revient toujours à nos fondamentaux. La virtualisation n’a de sens que si elle est suivie par une actualisation. Peu importe que l’on rencontre quelqu’un dans un train, un café, un club de gym ou sur Internet. A un moment donné, il faut lui faire une place dans sa vie réelle. Mais consommer de la relation virtuelle, zapper sur des profils, cela n’apporte guère de satisfaction à long terme.