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La Bibliothèque d’Alexandrie

Internet est devenu en quelques années la plus grande masse de données réunie de manière relativement homogène et accessible. Jamais jusqu’alors dans l’histoire de l’humanité, l’accès aux connaissances n’a été aussi aisé de même que leur remixage. Tous ces contenus numérisés peuvent être copiés, retravaillés, trouvés par des moteurs de recherche. La question de la conservation de ces données se pose maintenant, notamment pour les contenus numériques natifs. Cet archivage est très complexe pour plusieurs raisons:

  • les sites Internet changent très souvent
  • les formats des données évoluent sans cesse de même que les logiciels, les supports et les appareils (software, hardware)
  • les volumes nécessaires pour la conservation coûtent très chers, surtout si on souhaite un historique des données

Mais est-il nécessaire de conserver l’ensemble des données disponibles sur Internet? D’une part, tout archivage suppose un tri. Tout n’est pas digne d’archivage. Chaque société est amené à faire des choix dans ce domaine. Bien entendu, c’est risqué car même les critères de choix évoluent. Les historiens s’intéressaient d’abord aux documents officiels, mais cette discipline s’est penchée plus récemment sur la vie quotidienne des populations dont la documentation n’a pas été systématiquement archivée. Il en sera de même pour Internet: qui archivera les centaines de milliers de blogs personnels? Ils pourraient cependant constituer des témoignages intéressants pour des historiens, des sociologues, des linguistes. La lacune n’est du reste pas le pire des maux et bien des méthodes permettent d’en dessiner les traits.

Pour tempérer un peu la crainte de perdre ces données réunies en masse, essayons à nouveau de nous pencher sur le passé. L’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie est considéré comme une des catastrophes majeure de l’Antiquité. Pourtant ce drame doit être remis dans son contexte. Cette institution a été créée par Ptolémée 1er, premier roi grec d’Egypte à la fin du 3ème siècle avant J.-C.. Première constatation, il s’agit bien d’une volonté politique. Ensuite, cette institution ne se limitait pas à une bibliothèque: le Museion accueillait aussi des savants prestigieux qui devaient exploiter la bibliothèque. Quant à la bibliothèque elle-même, tout avait été mis en place pour l’enrichir. Les bateaux abordant dans le port d’Alexandrie devaient remettre leurs documents pour qu’ils soient copiés. La copie était rendue au capitaine et l’original conservé à la Bibliothèque.

La Bibliothèque d’Alexandrie n’était pas un cas unique: toutes les grandes cités de la période hellénistique avait la leur. Il y avait même une émulation, voire une concurrence entre toutes ces bibliothèques. On essayait par exemple d’acquérir des collections d’ouvrages ou d’attirer les meilleurs savants. La principale concurrente d’Alexandrie était Pergame. On raconte que les Alexandrins avaient refusé d’exporter du papyrus égyptien vers Pergame pour mettre à mal les activités de sa bibliothèque. Les gens de Pergame ont donc essayé de trouvé un autre support pour écrire et ont donc inventé le parchemin, fabriqué à partir de peau de bête. Le mot parchemin vient du nom de Pergame et ce support s’imposera au Moyen Âge.

Que constate-t-on durant la période hellénistique? Une circulation et une diffusion importante des connaissances doublée d’une grande activité intellectuelle. Grâce à toutes ces bibliothèques, on a pu faire une synthèse de la culture grecque (en incluant même des cultures voisines). On a revisité les auteurs anciens. Aucune de ces bibliothèques n’a survécu au temps, ni celle d’Alexandrie, ni celle de Pergame. Peu importe donc que César lui ait bouté le feu. L’essentiel est en fait que ces bibliothèques ont existé, que les connaissances et les idées ont circulé. Grâce à cela, nous avons pu conserver des connaissances qui auraient été perdues autrement. Bien entendu, on peut regretter que les savants hellénistiques aient fait des sélections comme les pièces des Tragiques qui méritaient de passer à la postérité. Sans eux cependant, on aurait peut-être perdu l’ensemble de ces oeuvres.

Bibliothèque romaine privée
Crédit : http://www.vroma.org/

N’assiste-t-on pas à un phénomène analogue aujourd’hui? De plus en plus de connaissances sont maintenant accessibles et les efforts de numérisation continuent. En même temps, ces connaissances font l’objet de discussions, de commentaires, de synthèses, de recompositions, d’indexation. Ce qui nous distingue de l’époque hellénistique, c’est le nombre de personnes qui ont accès à ces connaissances, parce qu’elles savent lire et qu’elles ont un appareil leur permettant d’y accéder à disposition. Il y a là un formidable catalyseur de découvertes, de progrès scientifiques, ce d’autant plus que les outils que nous avons à disposition facilitent la collaboration et le partage. C’est ce phénomène qui mérite d’être reconnu aux yeux des générations futures.

Nous avons regardé dans le passé. Plongeons-nous dans le futur maintenant, mais dans celui de la science-fiction. Dans son cycle Fondation, Isaac Asimov pose une question intéressante. Son personnage, Hari Seldon, montre que les civilisations connaissent des cycles de mort et de renaissance. Grâce à une science qu’il a développé, la psychohistoire, il parvient à calculer l’intervalle entre la mort prochaine de sa propre civilisation et celle qui lui succédera. Comme cet intervalle est long (30′000 ans), il se demande comment le réduire. C’est ainsi qu’il crée aux confins du monde deux fondations formées de savants qui ont pour tâche de rédiger l’Encyclopedia Galactica. Cela n’est pas sans rappeler le rôle des Monastères du Moyen-Âge qui ont thésaurisé des connaissances de l’Antiquité pour le plus grand bénéfice de notre culture.

Pour revenir à la question de l’archivage, on voit bien que l’exhaustivité n’est pas requise. Un processus de sélection doit intervenir, qu’il se fasse par un choix conscient ou sui generis (ou une solution hybride). Nous n’en sommes peut-être pas encore là. Pour l’instant, il s’agit de tout mettre sur la table, de faire l’inventaire de nos connaissances, de rediscuter peut-être les critères qui nous permettent de qualifier ces connaissances.

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Applications géographiques

Multiple Internet

Pendant longtemps, Internet s’est confondu avec ses deux applications les plus fondamentales: le WWW et le courrier électronique. Aujourd’hui, le paysage est complètement différent et le réseau Internet porte une offre diversifiée. Petit tour d’horizon:

Web de l’information

C’est la version actuelle du WWW classique, mais en plus diversifié, plus multimédia. Il contient ce qu’on appelle habituellement des sites Web, c’est-à-dire des sites d’information, parmi lesquels on peut mentionner:

  • sites de présentation d’entités diverses (entreprises, administrations, associations, institutions diverses, …)
  • journaux en ligne
  • bibliothèques virtuelles
  • musées virtuels
  • etc…

Ces sites sont formés de pages HTML statiques ou produits par des Content Management Systems (CMS). Ils offrent peu de possibilité d’interaction et cherchent surtout soit à diffuser de l’information, soit à véhiculer une certaine image.

Web 2.0

C’est le Web en vogue actuellement. Il est basé sur la discussion, la participation, la collaboration, le remixage. Il est fait d’éléments déjà anciens comme les chats et les forums, mais aussi d’applications plus récentes comme les blogs et les wikis. Le Web 2.0 est avant tout une révolution d’usage: on est passé d’un Internet qui diffusait des informations de manière unidirectionnelle à un Internet où l’usager participe, à des degrés divers, aux contenus (de l’évaluation à la création et au partage). Le phénomène essentiel de ce Web 2.0 est sans conteste la blogosphère, qui constitue une nouvelle couche dans le paysage médiatique. En effet, il n’a jamais été aussi simple de publier de l’information, de la mettre à disposition d’un public aussi vaste et d’ouvrir des débats. On connaît des types très différents de blogs: journal intime, blog professionnel, blog d’entreprise (souvent collectif), blog journalistique, etc…

  • forums
  • blogs
  • wikis
  • etc …

Web social

Comme l’avait dit le PDG de Skyrock lors de la dernière conférence Lift, les réseaux sociaux sur Internet sont aux humains ce que les moteurs de recherche sont aux informations. Ils permettent en effet de trouver ceux qui ont les mêmes affinités.

  • Facebook
  • Myspace
  • LinkedIn
  • etc…

GeoWeb

Popularisé grâce à l’application Google Earth, le GeoWeb s’enrichit sans cesse. Il offre toujours plus de couches d’informations géo-taguées, c’est-à-dire ancrées sur un point de la carte: des photos, des trajets, des cartes de répartitions dynamiques, des recherches d’adresse, … Les applications géographiques sont également disponibles sur des appareils mobiles, permettant grâce au GPS de trouver son chemin. Le transfert de plus en plus facile des données GPS sur des applications Internet favorise encore son développement. Un autre facteur de développement réside dans l’ouverture de systèmes comme Google Maps à d’autres applications.

  • Google Earth, Google Map
  • Virtual Earth
  • Yahoo Map

Le Web des images

On pourrait confondre le Web de l’image avec celui de l’information. Il faut pourtant lui réserver une place à part. Il est né du mariage des appareils photos et vidéos numériques avec le Web. Depuis quelques années, il est facile de télécharger ses propres photos sur Internet. On constate que des collections gigantesques d’images se sont constituées en très peu de temps: Flickr par exemple dépasse les 2 milliards d’images. L’humanité est en train de produire une image d’elle en temps réel. De plus, cette image est aussi indexée, géo-taguée, commentée et elle produit même un réseau social.

  • Flickr
  • YouTube

Mobile Web

La tendance est très claire: les téléphones serviront de plus en plus à accéder au Web. Les appareils les plus récents disposent de navigateurs performants et d’écrans plus grands. En Occident, c’est une tendance alors qu’en Asie, c’est déjà une réalité. Un téléphone est meilleur marché à l’achat, même s’il finit par coûter plus à l’usage. De plus en plus d’offres sont créées sur mesure pour les téléphones, comme la version adaptée de Wikipédia: Wapédia.

  • Wapédia

Web 3D et mondes persistants

La 3D en réseau est restée pendant longtemps l’apanage des joueurs. C’est peut-être à Second Life que l’on doit d’avoir sorti cette technologie de l’univers du jeu. Second Life est participatif car ses contenus sont créés par ses utilisateurs. Il constitue aussi un réseau social, car il permet à des gens de se rencontrer et de converser. Il est informatif aussi, car une partie de son contenu poursuit un but de diffusion d’information: en effet, on y trouve des musées, des blibliothèques et des institutions éducatives, sans parler des sims présentant des entreprises, des pays, des villes. C’est peut-être la préfiguration d’un Web 3D dont on a encore de la peine à voir les contours. On peut parler, dans ce cas, d’une technologie en voie de maturation.

  • World of Warcraft
  • Entropia
  • Habbo Hotel
  • Second Life

Web sémantique

Avec le Web sémantique, on est encore dans la musique d’avenir. Il s’agit de connecter l’ensemble des contenus du Web grâce à des mots-clés. Cela permettrait notamment de retrouver plus facilement les informations. La tâche est gigantesque.

Internet des objets

De plus en plus d’objets seront pourvus d’une adresse Internet leur permettant d’interagir avec d’autres objets ou des humains via Internet.

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Culture Musée virtuel Usages

Présenter une oeuvre photographique

Internet permet de diffuser la photographie, mieux que d’autres supports (livre, galerie,…). A témoin ce site consacré à l’oeuvre du photographe polonais Eustache Korwin-Kossakowski (1925-2001). L’association EKO a pour but de préserver et diffuser l’oeuvre de ce photographe qui a vécu entre la Pologne et la France. Elle a fait développer un site entièrement réalisé en Flash, une technique adéquate pour présenter des extraits d’une oeuvre très importante.

Le design est très sobre et met en évidence les photos en noir et blanc. L’oeuvre est présentée par séries. Une fois qu’on est dans une série, la navigation d’une image à l’autre est aisée grâce au rail. On peut toutefois regretter l’absence d’une fonctionnalité d’agrandissement.

Finalement, on n’est pas loin du livre de photographies, que l’on feuillète grâce à la souris. On se laisser guider. Le but du site est de faire connaître l’artiste et l’oeuvre, de mettre cette dernière en valeur. Pourquoi l’alourdir de fonctionnalités inutiles? Y a-t-il un sens à faire voter ou laisser commenter ces images-là? Peut-être pas. Finalement à la sobriété de l’oeuvre de Kossakowski répond celle du site.

http://www.eustachy-kossakowski.com/

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Culture Usages

Immédiateté, ubiquité

C’est un truisme que de dire qu’Internet et les nouvelles technologies de l’information ont changé le monde et nos vies. Le savoir est une chose, l’admettre et en voir les conséquences une autre. Il faut peut-être se pencher parfois sur des pratiques anciennes pour voir comment on gérait l’information.

En Grèce ancienne, l’immédiateté et l’ubiquité était le seul fait des divinités. Les dieux pouvaient satisfaire immédiatement les voeux plus ou moins intelligents des hommes qui avaient la possibilité d’en choisir (comme Midas). Ils pouvaient instantanément se transporter à une autre place. Les hommes eux étaient condamnés aux délais entre les événements et leur connaissance. Ces délais pouvaient être plus ou moins longs et avoir des conséquences fâcheuses ou heureuses.

Dans un passage de la tragédie d’Eschyle “Agamemnon”, la reine Clytemnestre annonce aux gens d’Argos la chute de Troie la veille. Les vieillards du choeur sont surpris de la rapidité avec la quelle la nouvelle est parvenue jusqu’à leur ville. Elle leur explique qu’un système de torches le long de la route de Troie à Argos, allumées les unes après les autres, lui a annoncé la nouvelle.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Quand la ville a-t-elle donc été emportée ?

KLYTAIMNESTRA.

Dans cette même nuit de laquelle est sorti ce jour.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Et quel messager a pu accourir avec une telle rapidité ?

KLYTAIMNESTRA.

Hèphaistos a fait jaillir, de l’Ida, une lumière éclatante. De torche en torche, et par la course du feu, il l’a envoyée jusqu’ici. L’Ida regarde le Hermaios, colline de Lemnos. De cette île, la grande flamme a atteint le troisième lieu, l’Athos, montagne de Zeus. La force de la lumière, joyeuse et rapide, s’est élancée de ce faîte, pardessus le dos de la mer, et, telle qu’un Hèlios, a répandu une splendeur d’or dans les cavernes du Makistos. Ici, sans retard, sans se laisser vaincre par le sommeil, on a transmis la nouvelle. La clarté, projetée au loin jusqu’à l’Euripos, a porté le message aux veilleurs du Messapios ; et ceux-ci, à leur tour, ayant allumé un monceau de bruyères sèches, ont excité la flamme et fait courir la nouvelle. Et la lumière, active et sans défaillance, volant par delà les plaines de l’Asôpos, comme la brillante Sélènè, jusqu’au sommet du Kithairôn, y a fait jaillir un nouveau feu. Les veilleurs ont accueilli cette lumière venue de si loin, et ils ont allumé un bûcher encore plus éclatant dont la lueur, par-dessus le marais de Gorgôpis, projetée jusqu’au mont Aigiplagxtos, a excité les veilleurs à ne point négliger le feu. Ils ont déployé avec violence un grand tourbillon de flammes qui embrase le rivage, par delà le détroit de Saronikos, et se répand jusqu’au mont Arakhnaios, proche de la ville. Enfin, cette lumière partie de l’Ida est arrivée dans la demeure des Atréides. Tels sont les signaux que j’avais disposés pour se transmettre la nouvelle l’un à l’autre. Le premier a vaincu, et le dernier aussi. Telle est la preuve certaine de ce que je t’ai raconté. Le roi me l’a annoncé de Troia.

Ce texte est assez extraordinaire, mais ne correspond pas à une pratique courante. Ce type de dispositif pose l’invénient de ne pouvoir apporter qu’un seul message, dépourvu d’ambiguité, de manière unique. Les Grecs confiaient leurs informations importantes habituellement à des messages qui se déplaçaient d’une ville à l’autre, comme le fameux coureur de Marathon. Ainsi il fallait un à plusieurs jours à un message pour parvenir à son destinataire. On imagine les enjeux quand il s’agit de demander de l’aide à un allié pour se défendre contre une attaque.

On connaît aussi la fameuse affaire de Mytilène relatée par Thucydide (III, 59). Les gens de Lesbos s’étaient soulevés contre le joug athénien. Athènes décida de réprimer sévèrement les habitants en mettant à mort les hommes et envoya un bateau pour transmettre l’ordre à exécuter sur l’île. Cependant l’Assemblée d’Athènes changea d’avis. Il fallut envoyer un autre vaisseau, en espérant qu’il arrive à temps:

Telles furent les paroles de Diodotos. Ces deux discours contradictoires et d’égale habileté laissèrent les Athéniens indécis. On passa au vote et les deux avis recueillirent un nombre de voix à peu près égal. Ce fut pourtant celui de Diodotos qui l’emporta. On envoya donc en toute hâte une nouvelle trière, de peur que l’autre, qui avait un jour et une nuit d’avance, n’arrivât la première et ne donnât l’ordre de détruire la ville. Les députés de Mytilène approvisionnèrent le vaisseau de vin et de farine et promirent à l’équipage une bonne récompense s’il arrivait le premier. La chiourme fit tellement diligence que les hommes continuaient à ramer tout en mangeant leur portion de farine délayée dans du vin et de l’huile ; ils dormaient et ramaient par bordées. Par bonheur aucun vent ne vint les retarder et le premier bâtiment, chargé d’une funeste mission, ne se pressa pas, tandis que le second faisait force de rames. Le premier devança le second juste assez pour permettre à Pakhès de lire le décret. On se préparait à exécuter les ordres, quand le second vaisseau aborda, épargnant ainsi la ruine à Mytilène. Voilà à quoi tint que la ville ne fut pas détruite.

Si l’on remonte plus haut dans le temps, les nouvelles arrivaient avec les voyageurs: des commerçants, des artisans itinérants ou des aèdes. C’est ainsi que Pénélope, dans l’Odyssée, est toujours intéressée par entendre les voyageurs qui arrivent à Ithaque. Entre l’événement et sa relation, des années pouvaient se produire. Transmis de bouche à oreille, ils avaient tendance à se légendariser.

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De l’utilisation des groupes dans Flickr

Les 2 milliards d’images réunies en 4 ans par le site Flickr apparaissent déjà comme une réalisation extraordinaire. Mais les responsables du site ne se contentent pas d’accumuler un capital en images exceptionnel. Ils veillent aussi à sa valorisation. Depuis longtemps, il est possible d’exporter des photos vers un blogs ou de faire apparaître sur un autre site un portfolio d’images choisies selon un mot-clé. Flickr offre une fonctionnalité très intéressante, celle des groupes. Comme nous allons le montrer, il s’agit d’une fonctionnalité virtualisante à plus d’un égard.

Chaque utilisateur inscrit dans Flickr peut créer un groupe. Il peut définir des règles et le paramétriser. Ainsi il peut choisir de laisser entrer qui veut ou d’accepter en tant qu’administrateur des demandes d’accès. Le groupe a deux éléments principaux:

Les discussions: il est possible de lancer un débat entre les divers membres du groupe. Cela marche comme un mini-forum.

Le pool: c’est la fonction la plus intéressante. En effet, les membres du groupe ne versent pas directement des photos dans le pool du groupe. Ils attribuent certaines de leurs photos au pool du groupe (ou des groupes) auxquels ils ont adhéré. Ainsi une photo peut être présente dans plusieurs groupes.

Quels sont les avantages?

Flickr forme une masse imposante d’images d’une grande variété. En créant des groupes, on peut réunir des images correspondant à des thèmes ou des problématiques diverses, sans devoir importer soi-même des photos sur ce thème. Les tags permettent en partie cela. Mais les groupes ont l’avantage de ne pas dépendre de la formulation du tag (langue, orthographe) et ils ont une composante débat qui permet d’ouvrir des discussions intéressantes.

Les responsables et amateurs de musées ne s’y sont pas trompés: les groupes peuvent leur être très utiles, de diverses manières:

  • Créer un groupe correspondant à un thème. Tout est possible évidemment.

Grâce aux tags, il est possible de mieux explorer ce thème et, par exemple, de visualiser les tombes avec statues:

Voilà autant de formes de musées virtualisés (quand il s’agit d’un musée de brique et de ciment) ou de musées virtuels ou improbables. Explorer Flickr à travers les groupes permet de découvrir des choix inédits de vues ou de sujets, mais aussi de participer à des débats. Quant aux musées, ils ont toutes les raisons de créer des groupes dans Flickr et d’encourager leurs visiteurs à y insérer leurs prises de vue.

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Général Tendances Usages

Vous avez dit 2.0 ?

On discute beaucoup du Web2.0, mais en a-t-on donné une définition utile? Le critère fondamental de toute application 2.0 est la participation du public au contenu (user generated content). Cette participation peut se faire selon plusieurs modalités:

1. Le contenu est totalement fourni par le public. Le prestataire de service (souvent gratuit) met à disposition un système, mais ne fournit aucun contenu. Ce sont les utilisateurs qui l’intègrent. C’est ainsi que fonctionne l’encyclopédie collaborative Wikipédia, la blogosphère, les sites de partage d’images (Flickr) ou de vidéos (YouTube). On connaît même des journaux qui fonctionnent de cette manière, comme Agora Vox ou Rue89. Il existe des applications spécialisées dans lesquelles on peut importer des données et, parfois même, réexporter les résultats sur un autre site. C’est en tout cas une des possibilités offertes par Google Map. On peut aussi ranger Second Life dans cette catégorie: il s’agit d’un univers 3D persistant dont le contenu a été entièrement créé par ses utilisateurs.

2. Le contenu est évalué par le public. Des auteurs ou des éditeurs fournissent des contenus. Le public est invité à évaluer ces contenus, par exemple en votant pour un article. On trouve cette fonctionnalité dans de nombreux sites: journaux en ligne, blogs, site de partage d’images ou de vidéos. Elle permet de classer les contenus et de mettre les plus appréciés en avant. Sur Internet, le succès appelle le succès.

3. Le contenu est commenté par le public. Au bas de chaque article, le public peut apporter un commentaire sous forme d’une note écrite. L’auteur de l’article peut libérer ou non le commentaire. Il peut aussi y répondre, ce qui conduit à une discussion.Classiquement, on trouve des fonctions de commentaire sur les blogs, les journaux en ligne, les sites de partage d’images.

4. Le contenu est géré par le public. Le Web connaît de tels quantités de données que leur gestion doit être envisagée d’une manière radicalement nouvelle. Certains sites invitent le public à indexer les contenus en leur attribuant des mots-clés ou tags. On appelle cela social tagging, folksonomy ou, en français, indexation sociale. Le recours (rétribué ou non) à une multitude de personnes inconnues du donneur de mandat est le crowdsourcing, néologisme anglais formé sur outsourcing (crowd signifiant foule). Le cas le plus classique de folksonomy est l’indexation des images. Autant il est possible d’indexer des textes de manière relativement automatisé (en partant des contenus), autant l’image résiste à toute analyse de ce type. L’oeil humain reste encore le meilleur système d’analyse de l’image.

5. Le contenu peut être réutilisé sur d’autres sites. Afin de valoriser des contenus, des concepteurs de site mettent à disposition des ponts permettant l’exportation des contenus vers d’autres sites. Cela peut aller de fils RSS à la reprise de cartes de géographie, en passant par l’exportation d’une image vers un blog. De cette manière, les contenus sortent de leur environnement de déaprt et se diffusent sur Internet. Ils deviennent ubiquistes.

6. Le contenu peut être complètement agencé selon les souhaits de l’utilisateur. Il s’agit des offres personnalisées dont le nom commence souvent par my-. En règle général, l’utilisateur a un accès privé à cette page. Il est le seul à la voir. Mais Netvibes vient d’offrir la possibilité de rendre une version de la page personnalisée public. On retrouve aussi cette possibilité sur Facebook.

Les possibilités sont multiples et un seul site peut en intégrer plusieurs. Flickr par exemple cumule une bonne parte des fonctionnalités mentionnées ci-dessus et il leur ajoute encore une composante de réseau social. Mais tout n’est pas rose au pays du Web 2.0. En effet, d’un côté les utilisateurs de sites sont invités à se montrer créatifs, collaboratifs. De l’autre côté, il est possible de créer des sites avec peu d’efforts, simplement en agrégeant des données créées par d’autres.

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Virtuelle conférence

En ce moment même, sur Second Life, se tient une conférence intitulé «  The Virtual Worlds: Libraries, Education and Museums Conference« . Les intervenants y présentent, grâce à leurs avatars, des conférences portant justement sur l’utilisation des mondes virtuels dans les domaines de l’éducation et de la culture.

Virtual Conference

Pour y assister, rien de plus simple: rester chez soi, allumer son ordinateur et participer.

La liste des intervetions se trouve à l’adresse suivante:

http://www.alliancelibraries.info/virtualworlds/vwlemschedule.htm

La conférence continue encore tard cette nuit. L’un des inconvénients de Second Life est son horaire, le plus souvent fixé à l’heure californienne. Cela conduit à se coucher tard …

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Virtuel, mon amour

Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, vient de consacrer un livre aux relations humaines dans les mondes virtuels. Il parle non seulement de tous les liens que nous pouvons établir ou renforcer grâce à diverses applications disponibles sur Internet, mais aussi des conséquences de ces applications sur les rapports humains: dans le couple, dans la famille et avec les amis.

Virtuel mon amour

L’auteur peint une image contrastée des mondes virtuels: ils peuvent avoir des conséquences heureuses dans certains cas (quand ils aident des enfants à affronter d’abord dans le virtuel certaines situations), mais aussi négatives (comme dans les cas d’addiction).

Il relève que ces mondes virtuels ne sont pas issus du néant. Avant Internet, il y avait déjà le téléphone. La lecture de fiction aussi, on l’oublie souvent, était aussi une manière de se plonger dans d’autres univers, de prendre la place d’un personnage. La lecture a même été considérée comme néfaste: que l’on songe au livre de Flaubert, Madame Bovary. Il reconnaît cependant que les mondes virtuels qui émergent maintenant (téléphonie mobile, réseaux sociaux, Second Life, …), de part leur persistance, constituent un nouvel univers avec lequel il faudra apprendre à vivre. Les enfants y sont plongés très tôt. Malheureusement leurs parents sont peu préparés à les accompagner. De plus, ils ont tendance à considérer le temps passé dans les mondes virtuels (notamment les jeux en réseaux) comme un moment de loisir. Leur seul souci est d’éviter que ce temps empiète sur les devoirs. Les parents devraient cependant être conscients que les enfants acquièrent aussi des compétences et font une partie de leur socialisation dans ces univers et ils seraient bien inspirés de s’y intéresser. On commence à voir dans certains jeux des couples pères-fils (ou mères ou filles) , mais c’est encore rare. Même pour les grandes personnes, les mondes virtuels peuvent avoir du bon: les jeux constituent pour les enfants un « espace potentiel ». Grâce à des applications comme Second Life, les adultes peuvent disposer eux aussi de tels espaces où ils peuvent se mettre en scène, interagir avec des objets ou d’autres avatars.
L’auteur montre aussi le rôle de plus en plus envahissant de ces mondes virtuels dans notre vie par le truchement des machines qui nous permettent d’y accéder. D’après lui, les gens se comportent avec leur téléphone portable comme des enfants avec leur doudou. Le téléphone a un côté rassurant: il permet de relier immédiatement avec ses proches, comme le doudou rappelle à un bébé le parent absent. Une très belle page compare aussi notre attitude vis-à-vis d’un répondeur aux réactions observées lors de l’expérience dite du miroir: une maman adopte pour un temps limité une attitude figée (p. 152). Le bébé s’affole d’abord, puis il essaie de renouer le contact. La mère ne réagissant toujours pas, le bébé montre alors son caractère. Certains insistent, d’autres deviennent tristes et, dans le dernier groupe, ils laissent tomber. Selon notre tempérament, nous opteront pour l’une de ces attitudes, non seulement face à un répondeur, mais aussi vis-à-vis d’un contact qui ne nous répond pas, que l’on soit sur MSN ou Second Life.

Ce livre est assez simple à lire et basé sur des cas pratiques. Il est très riche, évoquant de multiples thèmes impossibles à reprendre ici: corporalité et Internet, attitudes face aux images des écrans, tendance à effectuer plusieurs tâches en même temps, nature de l’avatar, … Un regret toutefois à la suite de cette lecture: la définition du virtuel que l’auteur adopte n’est guère convaincante. Il mentionne la définition donnée par Aristote: ce qui est en puissance, en devenir, en donnant l’exemple classique de la graine et de l’arbre. Il termine par cette remarque:

Mais peu importe, car cette définition, la seule utilisée pendant deux millénaires, a pratiquement disparu aujourd’hui sous l’effet des technologies numériques (p. 53).

Il adopte alors la définition adoptée dans le domaine des jeux vidéos et de l’image de synthèse. Or Pierre Lévy, dans ses travaux, a montré tout l’intérêt que cette définition (reprise par la scolastique médiévale) avait pour traiter des nouvelles technologies en réseaux.

Sur cette question, voir la page « Le virtuel » de ce blog.