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Tendances

Lectures multiples


Le Web est virtuel. C’est presque un truisme que de le dire. On peut cependant s’interroger sur le fonctionnement de cette virtualisation. Un des éléments fondamentaux du Web est le langage qui le code: HTML ou Hypertext Markup Language. Il s’agit d’un langage descriptif: il permet s’insérer certains éléments entre deux balises indiquant leur nature. Par exemple, un titre principal est indiqué avec la balise h1:

<>Titre< / h 1 >

Ce langage donne essentiellement des indications concernant le style: titre, paragraphe, gras, italique,… Il permet aussi d’intégrer certains éléments comme les liens hypertextes et les images.

Ces balises sont invisibles pour l’internaute. Il ne voit que le résultat produit par son navigateur Internet. Chacun a pu remarquer que des navigateurs différents interprètent parfois autrement le code HTML. Mais les navigateurs ne sont pas les seuls logiciels qui lisent et interprètent le code HTML. Il y a aussi les logiciels permettant de lire les fils RSS ou les logiciels lisant à haute voix (de synthèse) les pages pour les non-voyants. Que cela signifie-t-il? A partir du moment où l’on peut un texte au format HTML, on ne maîtrise plus la lecture qui en est faite, car cette lecture n’est pas directe, mais se fait via un interpréteur. C’est le développeur de l’interpréteur qui décide de la manière dont une balise est rendue. Ainsi si je regarde ce même blog avec un lecteur de fils RSS, je le vois complètement différemment:

De nombreux lecteurs le voient ainsi et ne peuvent pas savoir si j’en ai changé l’apparence.

La lecture nous échappe donc, contrairement à ce qui se passent dans le monde de l’imprimerie. Cette lecture se virtualise dans la mesure où c’est le contenu qui va au lecteur et non plus le lecteur qui visite le site.

De nombreux outils parcourent le Web et lisent le code HTML: les moteurs de recherche, les aggrégateurs. Nos contenus apparaissent, entièrement ou sous forme de teasers, dans d’autres sites. Ils se virtualisent et il faut l’apprécier, car c’est ainsi qu’ils se font connaître des lecteurs.

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Web sémantique

Faire une bibliographie en un clic

On parle beaucoup du Web sémantique. Ce concept reste néanmoins théorique aux yeux des non-spécialistes. Depuis peu, cependant, il est possible d’en trouver des applications qui, faute d’être parfaites, ont le mérite de nous montrer tout l’intérêt d’un web qui comporte des méta-données, c’est-à-dire des informations à propos des informations qu’on y trouve. Si l’on indique, par exemple, que les caractères “Jean Dupont” désignent un nom de personne, cela permettrait de retrouver plus facilement des personnes.

Depuis peu, un outil permettant le traitement et l’indexation des données est disponible librement. Il s’agit d’Opencalais, une technologie rachetée par Reuters et mise à disposition de tous gratuitement. Plusieurs applications sont désormais accessibles au public.

Parmi ces applications, l’une va permettre à l’utilisateur de réunir une liste d’ouvrages disponibles dans Amazon à partir d’un sujet décrit dans Wikipédia. Notons d’emblée que cela n’est possible que parce que les trois systèmes impliqués (Amazon, Wikipédia et Opencalais) sont ouverts aux développeurs qui souhaitent les intégrer à leurs applications.

Que fait le système en question? Quand on entre un terme, il recherche la notice dans Wikipédia et l’analyse. Il en tire une liste des termes essentiels. Il va ensuite dans Amazon pour rechercher les mots-clés correspondant et, s’il y a en a, les ouvrages qui traitent du sujet. En un seul clic, on parvient à obtenir une liste de livres disponibles sur un thème, simplement en exploitant des données déjà existantes.

Bien entendu, le résultat n’est pas encore parfait et les sources de l’imperfection peuvent provenir des trois systèmes. Les articles de Wikipédia sont de qualité inégale et pas toujours bien structurés. Amazon est une librairie en ligne et non pas un outil bibliographique. En ce qui concerne l’outil d’analyse, il génère une liste de termes-clés au moyen d’un algorithme. Dans le domaine du Web sémantique (on l’a déjà vu avec les images), il y a deux options: automatisation via des programmes ou recours à l’intelligence humaine via le crowdsourcing. Les deux méthodes ont leurs avantages et désavantages. Cependant la masse des données déjà disponibles sur Internet rend presque indispensable l’utilisation de programmes d’analyse des données.

http://kapustar.punkt.at/labs/knowledgelounge.org/

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Applications géographiques Communautés virtuelles Science Tendances

Structuration de données collaborative

Dans une encyclopédie, les connaissances sont présentées sous forme d’articles reliés entre eux par des liens ou des mots-clés. Il ne s’agit pas de données structurées. Les encyclopédies se prêtent donc bien à une transposition sur Internet sous forme de wiki, c’est-à-dire un système d’hypertexte collaboratif.

Depuis peu, les données structurées sont aussi devenues compatibles avec le Web 2.0. Il s’agit de données organisées selon un système hiérarchique et avec, pour chaque donnée, des informations obéissant à une certaine structure, des banques de données en somme. Il est désormais possible de publier des données et de participer à leur structuration sur le site Freebase.

http://www.freebase.com/

Sur ce site, il est possible (pour peu que l’on ait ouvert un compte gratuit) de:

  • ajouter des données à des séries déjà existantes. Le système compte actuellement plus de 20′000 livres, 38′000 films, 5000 bâtiments, 1000 vins et 60 fromages (là il y a encore un grand effort à faire).
  • discuter de questions concernant la structuration des données. Parmi les discussions en cours, on peut en relever une consacrée aux types de musées.
  • structurer les données

Freebase est aussi un système ouvert vers l’extérieur. Il est possible d’en réutiliser les données dans des applications, des sites web, des widgets. Parmi les réussites, on peut noter certaines réalisations:

  • Archiportal : Les bâtiments listés et décrits dans Freebase sont représentés sur une carte (Google Map)

    Bâtiments de la ville de Rome présents dans Freebase
  • History of sciences : une frise chronologique présentant les savants qui ont joué un rôle important dans le développement de la science, d’Anaximandre à nos jours. Un lien permet de retourner sur la notice complète dans Freebase.

Ces deux exemples montrent bien que l’un des enjeux du Web actuel est l’interopérabilité entre systèmes. Cela permet de créer des visualisations performantes des données, sur une échelle de temps ou une carte de géographique. Chacun trouve son rôle dans un prochain: ajouter des données, programmer des interfaces, etc …

Cette étape de la structuration des données me semble essentiel. Des quantités incroyables de données ont été numérisées et mises à disposition sur Internet. Il faut maintenant s’occuper de leur gestion. Freebase se nourrit de Wikipédia, car il reprend de nombreuses descriptions, mais il offre une dimension supplémentaire: une hiérarchie , un classement des données.

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3D Culture Musée virtuel muséographie virtuelle

Les expositions imaginaires du Louvre

Le site Internet du Louvre innove en offrant des expositions en 3D, intitulées “Expositions imaginaires”. Pour l’instant, on peut en admirer trois.

Une salle du Louvre est restituée dans son état de 1913. Elle rassemblait la collection léguée par Louis la Caze. Ces chefs-d’oeuvre sont maintenant dispersés dans le musée. D’où l’intérêt de cette exposition. Les technologies 3D permettent en effet de garder une trace dynamique d’anciens états du musée, offrant une meilleure interactivité que les images. Certains tableaux sont cliquables et permettent d’ouvrir une notice (fonctionnalité qui ne fonctionne pas sur mon Mac).

On peut aussi voir une réunion des oeuvres de Fragonard. Les tableaux sont répartis dans plusieurs salles qu’il est possible de visiter. Là aussi des notices sont disponibles.

Une reconstitution d’une église copte d’Egypte permet de visualiser ce que des fouilles archéologiques ont permis de savoir sur l’histoire de l’édification du bâtiment. On peut découvrir aussi bien l’intérieur que l’extérieur de l’église. Certaines zones sont cliquables. Grâce à un touche, il est possible de voir un autre état de construction de cette église.

Ces visualisations 3D sont accessibles sur le site du musée. Il faut télécharger le plugin 3D Life Player pour lire ces fichiers créés avec Virtools. On navigue dans les reconstitutions 3D à l’aide de la souris ou des touches. On est loin des mondes persistants dans lesquels on peut entrer avec un avatar. L’avantage de la technologie choisie est cependant qu’elle permet l’insertion dans un site Internet, bien qu’elle nécessite l’installation d’un plugin. Elle est donc facilement accessible.

En fait, ce type d’application existe depuis longtemps. Les enjeux de leur utilisation sont à la fois la simplicité d’utilisation pour les visiteurs d’un site et la facilité de mise en oeuvre. Sur les deux plans, des projets importants ont été réalisés ces derniers temps. De plus, le parc informatique a maintenant la puissance nécessaire pour populariser la 3D. Enfin, la 3D devient un référentiel naturel pour un public de plus en plus important: il s’agit notamment de ceux qui, jeunes ou moins jeunes, ont pratiqué les jeux vidéos. Les musées peuvent donc tirer un parti intelligent des possibilités de la 3D.

http://www.louvre.fr/llv/dossiers/liste_ei.jsp?bmLocale=fr_FR

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Communautés virtuelles Général Usages

L’important, c’est de participer

En cette année olympique, la fameuse devise de Pierre de Coubertin est à la mode. Pourtant on ne voit plus guère d’athlètes qui se se rendent aux J.O.”pour participer”. Seule la performance compte maintenant. En revanche l’adage du baron pourrait s’appliquer à Internet.

On parle beaucoup de participation sur le Net, qu’on désigne par l’expression Web 2.0. On l’assimile souvent au narcissisme de la blogosphère ou au culte des amateurs qui aurait cours dans Wikipédia. La participation est cependant un phénomène beaucoup plus complexe. Je me souviens que la première fois que j’ai créé un article dans Wikipédia, je m’étais contentée de composer le texte. Quand je suis revenue voir mon article, quelques jours plus tard, j’ai eu la surprise de constater que quelqu’un avait intégré les liens vers d’autres articles de l’encyclopédie. Cette anecdote montre que la participation ne se confond pas complètement avec la création de contenus. Elle comporte aussi la gestion de ces contenus. En effet, sur les sites participatifs, à côté des auteurs, il y a une foule de petites mains qui corrigent, indexent, améliorent, illustrent les contenus. On trouve aussi des modérateurs volontaires, des numérisateurs de données qui donnent de leur temps pour mettre à la disposition des textes tombés dans le domaine public, des tableaux, des photos. Ces gens n’ont pas de nom, tout au plus un pseudonyme. On ne les remercie jamais. Pourtant, c’est en partie grâce à eux qu’en effectuant une recherche dans un moteur de recherche, on trouve un résultat probant. Si le Web avait dû compter sur des projets officiels, privés ou publics, jamais il ne se serait rempli aussi vite.

Internet est en train de vivre le retour de l’esprit des cathédrales. Cela peut surprendre à notre époque, si empreinte d’individualisme. C’est du reste peut-être par réaction à l’isolement social que cette participation se développe. En travaillant ainsi à un corpus universel des connaissances, on peut se sentir valorisé, même si les fruits de ce travail ne se récoltent pas immédiatement. On a l’impression de participer à une entreprise qui nous dépasse, de poser une modeste pierre sur un édifice essentiel. L’humain a certainement besoin de ce sentiment.

On considère habituellement que les grandes pyramides d’Egypte ont été construites non pas par des esclaves, mais par des hommes libres, en dehors des périodes où ils travaillaient dans leurs champs. On peut se demander qu’est-ce qui les poussaient à s’astreindre à une telle entreprise, d’une extrême pénibilité vu les moyens techniques de l’époque. Il semble que la construction de ces grandes pyramides soit liée à un culte solaire dans lequel le pharaon jouait un rôle essentiel (comme représentant du dieu soleil). Il y avait là une vision partagée par tout un peuple. La construction de la pyramide ne constituerait donc pas l’asservissement des hommes à l’ambition d’un tyran, mais la manifestation d’une conception du monde. En participant à la construction, ces hommes, dont on a oublié le nom, faisaient surgir un édifice qui devait dépasser leur destin singulier pour traverser les siècles. En cela, leurs attentes n’ont pas été déçues, puisque depuis 40 siècles, ces pyramides témoignent de leur passage sur terre.

Pyramides

Aujourd’hui il n’est plus question de traîner des blocs de pierre sur les rampes qui entourent une pyramide. Mais sait-on combien de temps prend la numérisation de livres entiers, de poèmes, d’images? Malgré les scanners, il y a encore beaucoup de travail manuel. Pense-t-on aussi au temps passé par des particuliers à administrer leurs serveurs pour que des internautes puissent venir y glâner des informations? Imagine-t-on le mal que se donnent tous ceux qui contribuent à gérer, améliorer ce que d’autres ont mis? Non seulement tout ce travail n’est pas rétribué, mais bien souvent il coûte encore de l’argent à tous ces inconnus qui enrichissent le Web. C’est donc à juste titre que Time Magazine avait attribué le titre de personnalité de l’année à cette foule d’anonymes. Même si ces derniers n’attendent pas de récompense.