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Je est numérique

D’après Comscore, Facebook occupe le 10ème rang des sites les plus consultés aux Etats-Unis, avec 57,2 millions de visiteurs uniques en janvier. En France, Médiamétrie montre qu’entre novembre et décembre 2008, le temps total passé sur Facebook a augmenté de 8,5 millions d’heures, passant de 45,6 millions à 54,2 millions d’heures. En Suisse, d’après NET-Metrix, le site communautaire Netlog arrive en 3ème position des sites totalisant le plus grand nombre de visites en janvier 2009. En faut-il plus pour considérer que désormais, l’une des principales motivations pour se rendre sur Internet est la socialisation?
Le Web 2.0 avait ouvert une brèche dans les flux de l’information, en imposant un modèle « many to many »: une multitude de fournisseurs s’adresse à une multitude de récepteurs, les deux groupes se confondant largement. Trois modèles essentiels coexistaient:

  • le peer to peer, basé sur l’échange réciproque de ressources (qui, en passant, a mis à mal l’industrie de la musique)
  • le Web collaboratif où une foule s’est mise à construire des ressources communes, comme Wikipédia
  • le Web participatif, où chacun était légitimé à s’exprimer notamment à travers des blogs, mais aussi en publiant ses livres, sa musique, en créant son univers sur Second Life.

Le peer to peer a été contraint de se mettre dans la voie de l’honnêteté. Le Web participatif et le Web collaboratif sont très exigeants pour les internautes. N’est pas blogueur qui veut. Ne nourrit pas Wikipédia qui veut. C’est probablement l’une des clés du succès des réseaux sociaux: ils permettent aux internautes de parler du seul sujet qu’ils maîtrisent ou dont ils ont envie de parler: eux-mêmes. Sur ces plateformes de sociabilité, ils peuvent dresser leur portrait (vrai ou embelli), publier leurs photos et décrire leur quotidien. Ils peuvent créer des liens avec d’autres personnes et même participer à des sortes de manifestations virtuelles. Ils passent un temps important à entretenir leur image et l’évolution des réseaux les aident beaucoup, car le Web se transporte de plus en plus sur les téléphones.
Tout enthousiasmant que peut être l’émergence d’une société virtualisée permettant à chacun de rencontrer les gens qui lui correspondent vraiment, et non pas de se limiter à ses voisins, ses collègues ou ses parents, elle a un prix dont il faut peut-être se montrer conscient. Facebook, dans sa récente tentative de s’approprier les contenus de ses utilisateurs, montre un peu la nature de ce prix. Les utilisateurs des réseaux sociaux constituent en fait un double numérique d’eux-mêmes. On comprend aisément qu’un avatar est un double numérique, réaliste ou fantaisiste. C’est moins évident à propos des profils. Néanmoins ces derniers sont aussi des doubles numériques: on y intègre souvent sa propre image et des données sur soi-même. On appelle ce type d’information des méta-données. Elles sont essentielles pour permettre la recherche. Ainsi si quelqu’un indique qu’il aime la pêche au saumon en Scandinavie, il pourra être approché par d’autres amateurs de pêche. Ce sont ces données qui rapprochent les individus qui ont ou se prêtent des caractéristiques communes.

Le problème n’est pas tant que l’on entretienne des relations distantes. Ce n’est pas aussi neuf qu’on veut bien l’imaginer. Au 19ème siècle, la correspondance était très pratiquée et des relations amoureuses pouvaient même naître de cette manière, comme en témoigne l’histoire de Balzac et de Mme Hanska. Mais la correspondance était analogique, de même que les portraits que l’on s’échangeait. Bien entendu, on pouvait mentir, embellir son portrait. En revanche, les individus ne devenaient pas des contenus d’un monde virtuel, comme c’est le cas sur Internet. C’est ce que nous appelons l’hypermonde. Des contenus se mêlent à d’autres contenus et les moteurs de recherche ne font pas la différence entre un profil et un article d’encyclopédie: les individus deviennent alors des contenus comme les autres. Ils sont calculables (au sens où des algorithmes peuvent les manipuler) et trouvables (au sens où des moteurs de recherche peuvent les indexer et les trouver). C’est la conséquence directe de la numérisation. Le point de départ d’une rencontre est souvent une requête dans un moteur de recherche d’un réseau social. Les méta-informations nous permettent d’être trouvés, comme on trouve des livres dans le catalogue d’une bibliothèque. Les utilisateurs sont dès lors confrontés à un dilemme : faut-il se décrire ou créer un profil attirant?

Un autre mécanisme essentiel d’Internet, constitutif de toute application sociale, est le regroupement. On crée des groupes, à commencer par son groupe d’amis, des groupes reliés autour d’un intérêt quelconque. Il est évident qu’on ne propose pas l’adhésion à ces groupes aux seuls personnes que l’on connaît. Là aussi les méta-informations jouent un rôle important, car elles permettent d’identifier les personnes susceptibles d’en faire partie. A titre de comparaison, le bottin de téléphone ne contient pas autant d’informations à notre propos. Finalement les données des profils peuvent être agrégées, potentiellement, comme dans les statistiques et les études de marché.

Les contenus numérisés ont aussi tendance à échapper à leur créateurs. Ils peuvent se diffuser très vite: certaines photos ou vidéos font le tour de la planète, sans que cela soit un but recherché. Les protections de ces contenus sont très fragiles. Dès lors, la possibilité existe d’être dépossédé de son double numérique ou d’une partie de lui-même. On se souvient peut-être de Gary Brolsma, un adolescent américain qui se filme avec sa webcam en faisant une version karaoké d’une chanson roumaine (Dragostea din tei) d’un groupe moldave (O-Zone). D’après son site officiel, le jeune homme avait l’intention de n’amuser que lui-même et quelques amis.

http://www.newnuma.com/press_release.html

Mais en quelques semaines, la vidéo est devenue un véritable phénomène, assurant une célébrité involontaire à Gary Brolsma. Il s’agit d’un des meilleurs exemples de diffusion virale, qui a du reste aussi permis de faire connaître la chanson et le groupe qui l’interprète. Gary Brolsma a ensuite créé d’autres vidéos du même type. Peu importe de savoir si ce jeune homme espérait secrètement une telle réussite ou bien si elle était totalement inattendue. L’essentiel est de se demander s’il peut échapper à l’image de lui qui a circulé sur Internet et si cette image correspond à sa personnalité, s’il a la capacité d’en jouer ou bien s’il se sent mal à l’aise avec cette image.

Le plus grand danger de l’identité numérique, c’est quand elle prend le pas sur l’identité réelle, la mettant parfois même en danger. On retrouve du reste là un phénomène qui n’a pas attendu Internet pour apparaître. Il est lié à toute forme de projection. La description la plus connue est celle de l’écrivain Flaubert dans Madame Bovary. Emma est victime de ses rêves et, pour les vivre, elle se déconnecte de la réalité et de ses contraintes. Flaubert précise bien au début du livre qu’elle avait lu « Paul et Virginie ». Il y a eu du reste, à la fin du 18ème siècle et au 19ème siècle, un débat sur les effets néfastes des lectures romanesques. Ce débat ressemble par certains points à celui que nous avons sur l’informatique ou les jeux numériques.
Que dire maintenant de ces 20% d’avatars féminins dans Second Life qui cachent en fait des hommes ? Que se passe-t-il lorsque les relations qu’ils nouent avec d’autres avatars deviennent plus intenses et que l’idée d’une rencontre naît ? Que dire aussi de ces innombrables avatars sculpturaux dont le physique réel est normal ? Comment gère-t-on dans ce cas le passage au réel ?

Malgré toutes les mises en garde, les gens continuent à affluer sur les réseaux sociaux. Il y a donc certainement des causes plus profondes à ce phénomène. Il y a tout d’abord la disparition des lieux de socialisation. Ensuite l’individualisme pousse les gens à ne pas accepter d’emblée les relations évidentes: les individus ne se laissent plus imposer la présence de quelqu’un seulement parce qu’il est un parent, un voisin, un collègue. Ils veulent choisir leur entourage et préfèrent rester en contact avec ces personnes choisies, notamment grâce aux moyens de télécommunication. D’où les ambiances surréalistes des transports publics où on voit essentiellement des personnes n’adressant pas un mot au voisin, mais passant leur temps à faire des téléphones, à écrire de sms, à lancer des messages sur Twitter, etc…

Les réseaux sociaux ont tendance à regrouper les identités numériques. Apparaissent ainsi des tribus, des clans, des familles et même des couples. C’est une nouvelle socialisation dont on sait à quel point elle est fragile, fugace. Mais en même temps, ces socialisations imposent de nouvelles servitudes, la principale étant la présence en ligne, la connectivité qu’il faut assurer à tout moment, que ce soit avec un ordinateur ou un téléphone portable. En effet, les profils délaissés ne présentent aucun intérêt. Pour animer son profil, il faut en outre l’enrichir en contenus. C’est un paradoxe : pour aller à la rencontre des autres, on doit passer du temps à parler de soi. Cela explique peut-être la fugacité des relations qui se nouent, puisqu’on attend d’elles le rôle de miroir.

La question de la numérisation des individus est importante. Si on prend l’histoire intellectuelle de l’Occident, elle a fait émerger l’individu. Les notions de liberté et de libre-arbitre sont liées à celle d’individu. L’Occident est sorti des sociétés dans lesquelles les individus étaient pris dans diverses servitudes et où ils étaient réduits à leur rôle dans la société. Ils devaient s’en tenir à une certaine conduite pour éviter l’opprobre sur le groupe (famille, clan, etc.). C’est bien de cela que nous sommes sortis. Maintenant que l’individu a émergé, avec ce que cela suppose de libertés, il se soumettrait à de nouvelles servitudes. Il serait intégré dans de nouvelles tribus avec leurs règles impitoyables.

Il est peut-être encore temps, pour l’homme, de garder son libre-arbitre et d’utiliser les logiques de l’hypermonde à son propre avantage. Cela suppose toutefois un certain nombre de conditions : il faut approfondir la connaissance de l’hypermonde et développer des manières de l’utiliser qui laisse à l’homme son libre-arbitre.

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Musée virtuel muséographie virtuelle

Le musée en ligne

J’ai participé en tant qu’intervenante dans un atelier lors des premières Assises du Réseau romand Science et Cité. L’atelier pour lequel je devais faire un des exposés introductifs destiné à lancer la discussion et qui avait pour thème « Virtualités: musées virtuels et présence muséale sur Internet » a été précédé d’un exposé lumineux de François Mairesse. Ce grand spécialiste des musées a montré combien le musée d’aujourd’hui pouvait se décliner en diverses combinaisons, à partir d’idées et de contestations issues des années 1960-70. Des musées vitrines aux musées expériences, des musées bricolés aux musées d’architecte qui font oublier le contenu à leurs visiteurs, des musées au discours autoritaire aux musées participatifs, des musées réels aux musées numériques. Ainsi le musée, en tant que forme, est bien virtuel et chaque musée que nous visitons en constitue une actualisation possible.

De mon côté, j’ai soumis l’idée de l’émergence d’une nouvelle muséalité sur Internet, basée sur des pratiques différentes issues de la culture numérique. Une sorte de muséalité parallèle à celle des musées de briques et de ciment. La muséalité est une attitude humaine fondamentale qui vise à choisir des objets de la réalité pour leur attribuer un sens particulier. Cette attitude explique par exemple la tendance à la collection et à la conservation d’objets: bibelots dans une boîte en fer blanc ou souvenirs de familles pieusement conservés dans un grenier. Les sociétés elles-mêmes collectionnent à travers leurs musées, leurs archives et leurs bibliothèques.

Le support a des conséquences importantes sur les pratiques. Si une muséalité émerge dans le monde numérique, elle sera influencée par la nature des technologies numériques. Ces dernières sont basées sur trois piliers:

  • La numérisation
  • L’algorithmique
  • La mise en réseau

La numérisation est un processus réduisant les contenus en langage binaire. Dans la réalité sensible, ces contenus apparaissent comme très différents : image, son, texte. Mais pour un ordinateur, ils ne sont qu’une suite de 0 et de 1.
Un algorithme est un énoncé dans un langage bien défini d’une suite d’opérations permettant de donner la réponse à un problème. On trouve des algorithmes s’appliquant à divers objets : compression de données, tri, cryptographie, graphes, graphisme, génie logiciel, mathématiques, texte. En termes plus clairs, l’algorithmique permet de manipuler les contenus numériques, par exemple en les identifiant (moteur de recherche), en les modifiant (transformations graphiques), en les remixant (logiciels de montage vidéo).
La mise en réseau consiste à tisser des liens entre différentes machines. Les données sont stockées de manière décentralisée, mais accessibles de tout autre point sur le réseau. Il existe aujourd’hui plusieurs réseaux : Internet, les réseaux téléphoniques, les réseaux de télévision. Pratiquement toute les contenus circulant sur ces réseaux sont numériques maintenant.
Ces trois piliers des technologies de l’information affectent profondément les contenus qu’elles traitent. Un des effets les plus importants est la suppression de la notion d’original. Dans le domaine de la photographie numérique, un fichier peut être copié sans aucune perte de qualité. De nombreuses bibliothèques ont conservé des manuscrits d’écrivain et ces documents ont été très étudiés, car ils permettaient de mieux comprendre la démarche de l’auteur. Ces documents n’existent plus (ou de moins en moins) pour les écrivains de notre siècle. Le recours au traitement de texte rend difficile ce type d’études. En revanche, tout l’historique du travail collaboratif de Wikipédia est visible et accessible (et la consultation de ces historiques est parfois hautement intéressante). Il n’y a donc plus d’original dans le monde numérique (ou alors il doit être créé artificiellement, comme on le voit parfois dans Second Life). Le succès se mesure plutôt à la copie, à la diffusion et à la réutilisation des fichiers dans le monde numérique. Les internautes adorent s’envoyer des fichiers numériques ou les republier sur leurs blogs. Ils aiment retravailler les ressources numériques et les remixer.

Il est certainement trop tôt pour dégager les grandes lignes d’une muséalité en ligne, mais on peut déjà esquisser quelques tendances déjà existantes aujourd’hui sur diverses plateformes comme la blogosphère, le Web collaboratif (comme Wikipédia), les sites de partage de fichiers images, audio ou vidéo, les réseaux sociaux, les univers persistants en 3D:

  • La copie qui permet de s’approprier une œuvre, de la diffuser.
  • Le partage a été popularisé par les plateformes peer to peer. C’est devenu une philosophie. Les licences Creative Commons sont très utilisées pour permettre aux autres d’utiliser ses propres créations, avec ou sans citation.
  • La transformation est devenue un élément essentiel de la création, comme on le voit surtout dans le domaine musical. Des morceaux de musique sont mis à disposition des internautes qui peuvent ensuite les remixer. On peut parler de co-création ou de création collective.
  • L’indexation est une pratique plus pointue, mais très présente sur le Web sous la forme d’indexation sociale ou folksonomy. Elle consiste à attribuer des mots-clés à des objets en ligne. Cette pratique peu visible est pourtant essentielle pour l’amélioration de l’accès aux contenus, notamment les contenus non textuels.
  • L’ouverture des systèmes (mash up, API) permet d’utiliser diverses sources pour créer une mise en valeur des contenus. C’est le cas, par exemple, de cartes dynamiques créées avec des systèmes cartographiques ouverts.

Olivier Glassey a présenté aussi un exposé consacré à la folksonomy ou indexation sociale. C’est une pratique très visible dans un site comme Flickr et c’est un des principaux outils permettant d’exploiter les 3 milliards du site. Il a évoqué le projet Steve, dont le but est d’étudier la pratique de l’indexation sociale sur des sites de musées. Il a relevé que 90% des concepts entrés par les internautes ne font pas partie de la documentation du musée.

Dans la discussion qui a suivi, il y a peut-être trois points à relever:

  • l’effet diligence du transfert des musées actuels dans le monde numérique
  • la question de l’original
  • la question de l’autorité et du rôle du musée dans la diffusion du patrimoine

L’effet diligence du transfert des musées actuels dans le monde numérique

Le transfert des musées sur Internet n’est pas aussi évident qu’on le pense. Des investissements sont consentis et l’intérêt du public n’est pas forcément là. Une des raisons pouvant expliquer cette situation est certainement l’effet diligence. Dans l’histoire des techniques, on a remarqué qu’une innovation reste imprégnée de la technologie qu’elle remplace. Ainsi les premiers wagons de chemin de fer ressemblaient-ils à des diligences.

Internet a généré son propre langage et ses propres codes. Une muséographie en ligne doit s’adapter aux habitudes des internautes et non l’inverse. Cela nécessite un travail de réflexion important et de meilleures connaissances des technologies de l’information de la part des professionnels des musées. Dans mes observations des sites de musées, je relève souvent la platitude des applications ludo-éducatives pour les enfants, qui n’offrent aucune comparaison possible avec ce que ces mêmes enfants expérimentent sur leur ordinateur ou leur console de jeux.

L’original

Le rôle premier des musées est la conservation des oeuvres et objets pouvant témoigner des activités humaines, mais aussi de la nature. Ce rôle se complique maintenant par la notion de patrimoine immatériel. S’il n’y a aucun doute sur la nécessité de conserver des oeuvres et des objets, on peut en revanche se demander si seul l’original est digne d’être vu. C’est certainement une conception culturelle qui varie avec l’âge et les cultures, tout comme les modes de jouissance de l’art sont différentes selon les aires culturelles. La copie a été la norme pendant longtemps, comme en témoignent les musées des moulages. Elle revient aujourd’hui à travers des expositions comme celle qui reconstituait la tombe de Toutankhamon. Il est difficile de savoir pourquoi notre époque attache autant d’importance à l’original. Peut-être que l’aisance matérielle dans laquelle nous baignons nous fait-elle désirer des objets authentiques. Peut-être également que la facilité de se déplacer nous fait-elle préférer l’original à la copie. Pourtant quand je me rends dans des musées, j’ai le sentiment que les visiteurs viennent y faire leur copie personnelle, munis d’appareils photographiques et de caméscopes, pour en jouir plus tard, chez eux, en famille ou avec des amis, ou même sur Internet, sur des sites de partage. Le terme « museum »apparaît dans le nuage de mots-clés les plus populaires , ce qui signifie que le musée fait partie des lieux où l’on prend des photos.

Du reste, tous les musées ne travaillent pas avec des pièces uniques originales : c’est essentiellement le cas des musées d’art et d’histoire. Les musées vivants commes les jardins botaniques ou les zoos montrent essentiellement les individus issus de lignées. Les musées d’archéologie et d’anthropologie ont souvent des objets qui appartiennent eux-mêmes à des séries, notamment les objets de la vie quotidienne, mais aussi des objets de rituel. Les objets uniques sont souvent liés à la création artistique. Mais même dans ce domaine, on a souvent affaire à des copies anciennes : c’est le cas de beaucoup de statues grecques qui ont été copiées à l’époque romaine.

La question de l’autorité et du rôle du musée dans la diffusion du patrimoine

La participation et la collaboration sont la norme dans le Web d’aujourd’hui. Les internautes peuvent aussi bien apporter des contenus nouveaux que commenter ceux qui existent. Leurs traces sont également souvent utilisés pour mieux hiérarchiser les contenus (les plus vus ayant souvent la meilleure place). Internet offre donc un grand contraste avec la manière dont les musées conçoivent leur rôle de médiateur. Le visiteur est rarement invité à parler (ou seulement dans le cadre d’enquêtes de satisfaction).

Le musée sur Internet peut-il être 2.0, c’est-à-dire participatif? La réponse à cette question demande quelques nuances, étant donné que, dans bien des cas, il n’est pas possible d’éliminer le rôle des personnes compétentes dans la médiation. Que peut-on demander aux visiteurs des sites?

– donner leur vision de la matière concernée comme alternative à la vision interne aux musées. On a vu que dans les expériences d’indexation sociale, 90% des termes saisis par les internautes ne sont pas dans la documentation des musées. Cette vision extérieure permettra sans doute aux musées d’améliorer l’accès aux objets des collections et leur présentation. Si le terme « hydrie » ne dit plus rien au public d’aujourd’hui, autant employer celui de carafe (puis préciser dans une notice).

– brasser les collections et faire de nouveaux choix. Le choix des oeuvres, des objets, des sujets d’intérêt est soumis à une certaine inertie. Laisser le public accéder à l’ensemble des collections peut permettre de faire remonter quelques oeuvres à la surface. Ce phénomène a été observé sur Amazon: les commentaires des utilisateurs mentionnant des ouvrages plus anciens sur le même sujet que le livre recherché ont relancé la vente de ces ouvrages.

– laisser le public poser les questions et organiser les réponses grâce à un réseau de personnes compétentes.Le site TSR Découvertes est une excellente illustration de cette méthode (http://www.tsrdecouverte.ch/).

– ouvrir à un plus grand nombre de personnes la possibilité de devenir curateur ou commissaire d’exposition. Beaucoup de personnes rêvent de travailler dans un musée et en ont les compétences. Les technologies de l’information permettent de créer un musée virtuel en ligne à peu de frais.

On le voit bien, le musée 2.0 n’est pas forcément aussi radical qu’on l’imagine. Il instaure simplement une meilleure interaction entre les visiteurs et les musées.

Pour terminer, il faut peut-être noter que dans le monde des bibliothèques, la transition vers les technologies de l’information se fait sans accroc. On peut accéder aussi bien aux références des ouvrages qu’à une partie des ouvrages eux-mêmes. Et personne ne doute du bénéfice que cela peut apporter. Pour s’en donner une idée, il faut aller consulter la bibliothèques de manuscrits e-codices:

http://www.e-codices.unifr.ch/fr

Site des Assises du Réseau romand Science et Cité : http://www.rezoscience.ch/rp/sc/assises.html