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Culture Musée virtuel

13 millions de photos

Le Smithsonian, l’institution muséale la plus importante des Etats-Unis, possède 13 millions de photographies, qu’il a commencé à collecter dès sa création. Ces photos sont réparties à travers 18 musées, 9 centres de recherche et un zoo. Elles concernent les sujets les plus variés, de l’anthropologie à l’aviation, en passant par l’art. Il fut question pendant longtemps de créer un centre de la photographie au Smithsonian, mais Internet a changé la donne. Et c’est donc un site Web qui voit le jour aujourd’hui, intitulé « Smithsonian Photography Initiative »*. Comme le dit la directrice de ce projet, «In the early part of the 21st century, this seemed like a lot of work, to create a building. We decided to embrace fully the idea of the virtual world.»*

Le site comporte 1800 images, une goutte d’eau dans l’océan, pourrait-on dire. Mais il se veut avant tout un ballon d’essai. En effet, la gestion d’une quantité aussi phénoménale d’images pose de nombreuses questions. Il vaut mieux commencer avec un échantillon.
Quelles sont les fonctionnalités de ce site ? Elles vont dans deux directions. D’une part, le site offre la possibilité d’effectuer des recherches dans l’ensemble du corpus, soit avec des mots-clés, soit à l’aide de filtres pré-définis. D’autre part, le site donne au visiteur l’occasion de jouer avec les photographies. C’est la fonction «Enter the Frame», qui s’ouvre dans une nouvelle fenêtre. Là, on peut visionner des images selon des mots-clés et en sélectionner jusqu’à 10 pour créer son propre diaporama (enregistrement nécessaire), à envoyer ensuite à ses amis, et qui reste disponible un moment dans le menu.
Dans les deux parties du site, on retrouve une fonctionnalité novatrice et tout à fait dans la ligne du Web 2.0 : l’indexation des photos par le public. Les visiteurs sont invités à attribuer des mots-clés aux images, qui sont ensuite enregistrés, puis reconnus comme «Visitor Keywords». Une telle fonctionnalité est intéressante à plus d’un titre. Tout d’abord, elle permet de corriger, d’améliorer l’indexation scientifique, faite par des spécialistes pour des spécialistes. Dans certains cas, cela pourrait même conduire à identifier un lieu, une scène, un photographe, grâce à la collaboration de visiteurs qui auraient des connaissances approfondies sur le contexte d’une image. En tous les cas, le public aide le musée à gérer sa banque de données d’images. Quand on pense qu’elle contient 13 millions d’objets, on voit tout de suite l’intérêt de cette démarche. Etonnement et contrairement à beaucoup de sites muséaux, le site ne sert pas à vendre des reproductions d’images.
Quant au contenu, il s’agit d’un très beau choix d’images. On ne peut que se réjouir de l’enrichissement progressif du site.

* http://www.spi.si.edu/
** http://www.startribune.com/1375/story/651024.html

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Culture Musée virtuel Tendances

Vieilles pierres et reconstitutions numériques

Une journée consacrée au thème de la « Modélisation à la rencontre de l’archéologie et de l’architecture » s’est déroulé le vendredi 1er septembre à l’Université de Lausanne, dans le cadre de son offre de formation continue.
On a pu y voir les possibilités offertes par les technologies numériques à l’archéologie et à l’architecture, quand cette dernière se met au service de l’étude des monuments anciens (et partiellement détruits). On pense naïvement que la numérisation de données informatiques permet uniquement de produire des reconstitutions destinées au grand public. Mais il y a d’autres usages, et non des moindres. En voici quelques exemples :

Simulation : grâce à la numérisation en 3D de monuments ou d’objets anciens, il est possible de faire des simulations permettant de tester plusieurs hypothèses de reconstitution d’un monument. Il est aussi possible d’aller plus loin dans cette voie : un des participants a construit des modèles numérisés de fours à métaux antiques dans l’espoir de simuler leur fonctionnement.

Sauvegarde et restauration : conserver une version en 3D d’un monument ou d’un objet en permet la sauvegarde. Si l’original vient à disparaître suite à un incendie ou tout autre catastrophe, il est possible d’en créer une copie à partir du modèle 3 D, en utilisant soit ce qu’on appelle communément une « photocopieuse 3D », c’est-à-dire une machine permettant de découper un objet en 3 dimensions dans une masse de plâtre ou de résine. On peut aussi recourir à des robots tailleurs de pierre pour des objets plus massifs. C’est ainsi qu’une équipe française a pu reconstituer une représentation grecque d’un Sphinx selon cette technologie*.

Exploitation de bases de données : cet usage, peu connu, fait cependant rêver. Un monument modélisé en 3 D peut être visualisé. Chacune de ses parties est cliquable et permet d’accéder à une documentation la concernant, qu’il s’agisse de textes ou d’images. On est proche du musée virtuel. Imaginez que vous vous promeniez dans un tel modèle en 3D de la ville de Pompéi. Sur chaque peinture, sur chaque objet, vous pouvez obtenir des informations en cliquant dessus. Pour l’instant ce n’est qu’un rêve, à cette échelle, car ces applications demandent beaucoup de mémoire. Mais peut-être que dans quelques temps, ce sera réalisable.

Modéliser suppose des données. Ces dernières peuvent être obtenues par des méthodes classiques, mais également grâce à des scanner 3D, qui peuvent saisir aussi bien des monuments entiers que des objets. Là aussi, le but dépasse celui de la présentation en 3D sur support numérique. Cette technique peut être utilisée dans le cadre de la restauration, car il vaut mieux essayer d’abord sur l’ordinateur. Elle sert aussi à la recherche : en effet, on a pu comparer deux carquois scythes trouvés à 1000 km de distance, en Russie, et démontrer qu’il s’agissait d’objets jumeaux, grâce à la comparaison des modèles numérisés. On a pu recourir à la même technique pour retrouver des vases romains issus d’un même moule, mais dispersés sur une vaste aire géographique (à cette époque, il y avait déjà une sorte de globalisation).

Ces outils offrent des possibilités extraordinaires, mais il importe de savoir comment les utiliser. Il faut rester conscient tout d’abord qu’il s’agit toujours de représentations et que, quel que soit leur mode de production, elles restent empreintes d’une certaine subjectivité. Les personnes qui manipulent ce genre d’images n’en sont pas toujours conscientes, puisqu’elles parlent souvent d’images en trois dimensions ou de réalité virtuelle. La première de ces expressions est vide de sens : l’écran de l’ordinateur, comme un tableau ou une feuille de papier, est une surface plane. C’est la perspective qui donne l’illusion de la 3ème dimension. Quant à la notion de réalité virtuelle, elle conduit à des questions quasi philosophiques que nous ne pouvons aborder ici. Bornons-nous à rappeler que le terme virtuel est en général associé à l’idée d’irréel, alors qu’il est plus proche de celle de potentiel. Le terme d’images de synthèse, couramment utilisé dans le cinéma, correspond mieux au processus qui vise à reconstruire une image donnant l’illusion du volume, à partir de coordonnées tridimentionnelles, et qui est souvent animée.
Ces reconstitutions archéologiques sur ordinateur posent divers problèmes et notamment celui de leur validité scientifique. Souvent elles impressionnent ceux qui les ont sous les yeux et ne sont guère critiquées. Il faut tout d’abord souligner que, malgré la possibilité de prendre des mesures avec des moyens automatiques, rien ne remplace l’observation réelle d’un monument. Certaines traces ne seront pas perçues par le scanner 3D, des traces d’incendie par exemple. De plus, si la version numérique est maniable et permet de jouer avec des blocs de pierre numérisés, elle n’apporte pas les solutions de manière magique. La réflexion reste nécessaire. De plus, il est essentiel que l’ensemble du processus soit transparent pour l’utilisateur final, souvent un visiteur de musée ou de site web. Les reconstitutions numériques sont de très belles images, bien finies, dans lesquelles on a l’impression de se promener. Une certaine déontologie imposerait cependant de montrer l’existant avant sa reconstitution et d’indiquer clairement ce qui est conservé et ce qui est restitué. Il faut également éviter de tomber dans les excès baroques ou kitsch dans le domaine de l’esthétique et opter pour une certaine sobriété. Comme dans beaucoup de domaines, la meilleure voie est celle du milieu, entre la voie conservatrice, qui en reste aux outils traditionnels, et la voie technophile qui cherche avant tout à créer la surprise de l’utilisateur, constituée d’un savant mélange entre le réel et son image numérique. Le projet présenté tout au début de la journée intitulé LIFEPLUS** en est peut-être un exemple. Développé par le MiraLab de Genève, le Laboratoire de réalité virtuelle de l’EPFL, avec d’autres partenaires, cette initiative permet aux visiteurs du site de Pompéi, munis de lunettes spéciales et d’un sac à dos contenant un ordinateur portable, de visualiser dans les ruines même du site des scènes de la vie antique, comme s’ils y étaient. Ainsi on peut voir un enfant courir, une servante coiffer une patricienne dans une villa, des personnes qui servent des repas dans une boutique le long d’une rue. Ainsi on est ni tout à fait dans le réel, ni tout à fait dans la reconstitution. Dans ce cas, on parle de réalité augmentée. Mais bien entendu, ce n’est pas encore la virtualité dans laquelle Théophile Gautier a plongé Octave, le héros de la nouvelle « Arria Marcella », qui se promène dans les ruines de Pompéi et voit peu à peu la ville s’animer. Car cette virtualité-là est celle du rêve et pour peu qu’on sache la nourrir, elle est à la portée de chaque humain.

* http://www.snbr-stone.com/robot/sphinx.php; http://www-ausonius.u-bordeaux3.fr/
** http://lifeplus.miralab.unige.ch/

Article sur le projet Lifeplus:

http://www.veilletourisme.ca/fr/bulleti … rticle=621

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Bibliothèque virtuelle Culture Pratique Usages

Téléchargez les classiques

Google vient d’annoncer dans son blog* la possibilité de télécharger des ouvrages qui font partie de son offre Google Book et qui sont tombés dans le domaine public. Nous avons immédiatement voulu tester cette offre. Parmi les exemples présentés dans le blog, il y a les Fables d’Esope, en traduction anglaise bien entendu. Nous avons donc voulu télécharger cet ouvrage. Manque de bol, le lien proposé conduit vers un livre non encore disponible au téléchargement. Nous avons donc cherché d’autres recueils d’Esope, toujours en anglais. Nous en avons trouvé un, intitulé « Fables of Aesop and Others », paru à Boston en 1863**. Une fois le fichier sur notre disque dur, nous l’avons regardé avec attention. Voici quelques observations :

– Le fichier pèse 16 Mo.
– Le fichier est en format PDF. Le fichier réunit les images scannés et non pas le texte. Cela présente un désavantage et un avantage. Il n’est plus possible d’effectuer des recherches dans le fichier copié sur disque dur. Cette fonction n’est disponible que si on navigue dans le livre sur le site de Google Book. En revanche, les illustrations du livre sont disponibles.
– Le fichier commence par une mise en garde de Google sur l’usage de ce livre numérisé.
– Plusieurs pages du PDF montrent la couverture et les pages sans contenu.
– On trouve même un ex-libris de la Bibliothèque d’Harvard.

Nous n’avons aucun doute sur la nécessité de mettre à disposition des ouvrages tombés dans le domaine public, sous une forme numérisée. C’est surtout important pour des livres qui n’ont aucune chance d’être réimprimé pour des raisons économiques. Cependant les fichiers offerts par Google sont lourds et finiront par encombrer considérablement nos disques durs. L’apparence physique du livre ou sa provenance de telle ou telle bibliothèque, si elles donnent un côté sympathique, ont une valeur informative limitée. Il faut espérer qu’on en reviendra un jour aux fichiers texte qui offrent le double avantage d’être légers et utilisables à des fins de recherche. En effet, on peut y effectuer des requêtes, les exploiter grâce à des logiciels d’analyse lexicale ou encore en tirer des extraits. Mais c’est peut-être cette dernière possibilité que veut bloquer Google. En effet, il serait très simple ensuite de recopier ces textes et de les intégrer dans d’autres bibliothèques numérisées ou de les préparer pour une édition imprimée.
La générosité de Google n’est peut-être qu’une apparence. Si cette firme avait une stratégie visant à rendre sa bibliothèque numérique incontournable et à faire en sorte que ses utilisateurs reviennent sur son site pour y effectuer des recherches dans les livres qu’elle offre à télécharger, elle ne s’y prendrait pas autrement.

* http://googleblog.blogspot.com/2006/08/ … ssics.html
** http://books.google.com/books?vid=OCLC1 … p;as_brr=1

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Communautés virtuelles Second Life Tendances

Le confort virtuel se paie cash

Internet offre depuis déjà longtemps la possibilité d’avoir une existence virtuelle. Une identité dans un tchat, c’est déjà le début d’une vie dans le cybermonde. Mais il y a mieux aujourd’hui : les univers virtuels. Réservés au départ aux joueurs en réseau, ils s’ouvrent désormais à chacun. Plus besoin d’avoir envie de tailler de l’orque ou du robot intergalactique. On peut s’y promener sans autre but que … d’y faire de bonnes rencontres. Nous en avons visité deux pour vous.
Le premier s’appelle Habbo Hotel. Il s’agit d’un monde virtuel conçu par des Scandinaves, mais qui est disponible dans plusieurs langues, dont le français. La première chose à faire, une fois inscrit (l’inscription est gratuite), c’est de créer son avatar, c’est-à-dire le personnage virtuel qui nous représente dans cet univers virtuel*. Dans Habbo, on ressemble un peu à des Playmobils. La palette de vêtements à disposition est assez riche. Il y a même des couvre-chef qui attestent de l’origine nordique d’Habbo : une paire de bois de renne ou un bonnet de Père-Noël. Mais avec cela, il faut assumer ! Dès le départ, on choisit un appartement de la taille qu’on veut. Et ensuite, on peut partir à la découverte des nombreux endroits du complexe Habbo : il y a le Café Cosmos, le Salon de thé, un studio de TV (très fun comme endroit), une bibliothèque, etc.. On promène donc son petit bonhomme dans cet univers et l’on croise de nombreux congénères. Pour interagir avec les autres avatars, il suffit de leur écrire comme dans un salon de tchat, de leur envoyer des messages privés ou de leur demander de devenir amis. Le monde d’Habbo réunit avant tout une communauté d’adolescents. En principe, il faut montrer patte blanche si on n’a pas 13 ans, mais la moyenne d’âge doit tourner autour de 14-16 ans. Le système se prétend modéré, mais il suffit de lire les messages qui s’échangent pour réaliser qu’il est simple de traiter quelqu’un de ce qu’on veut, pour peu qu’on torture l’orthographe. Quant à la langue utilisée, c’est clairement celle des sms. Parfois ces rébus supposent une certaine sagacité.


http://www.habbo.fr

Avec Second Life, on entre dans un autre monde. Tout d’abord, l’avatar n’est pas une caricature, mais tente de s’approcher de la réalité. Cependant, pour ceux qui souhaitent une certaine fantaisie, des formes mutantes (tête de lapin ou de renard et corps humain par exemple) sont disponibles. Second life est un monde beaucoup plus vaste et complexe qu’Habbo. On se promène dans de véritables paysages qui sembleront familiers à ceux qui pratiquent régulièrement des jeux vidéos. Les modes de déplacement sont analogues du reste (et on peut voler !). Les méthodes d’interactions sont les mêmes que dans Habbo. Cependant, Second Life offre d’autres possibilités d’action : prendre des objets, les toucher, voire en créer. La langue utilisée est l’anglais (l’anglais international bien entendu : rien à voir avec ce qu’on parle à Oxford) et on y croise des gens du monde entier. Quant à la moyenne d’âge, elle semble plus élevée que dans Habbo, bien que le comportement de certains avatars laissent deviner la présence d’adolescents (notamment quand ils s’amusent à faire des combats d’épées laser).


http://www.secondlife.com

On parlera certainement à plusieurs reprises de ces univers virtuels. On se bornera aujourd’hui à relever un paradoxe. En effet, si ces univers sont accessibles gratuitement, ils offrent de nombreux services payants. Dans Habbo, la participation à certaines activités ludiques est payante, de même que l’achat de mobilier pour son appartement virtuel. Bien entendu, les appartements dans lesquels vous êtes invités sont désespérément vides ! Dans Second Life, il est nécessaire d’acheter en espèces sonnantes et trébuchantes (mais converties en Linden Dollars) un lopin de terre où s’installer. On peut aussi acheter des biens pour meubler son foyer virtuel ou pour vêtir son avatar (j’ai croisé une femme très élégante qui m’a avoué que sa robe lui avait coûté 1000 Linden Dollars). Il semble que dans ce monde-là, il est possible de gagner de l’argent (en ouvrant une boutique par exemple), mais acquérir son pécule avec une carte de crédit est beaucoup plus simple. Quoi qu’il en soit, il y a une économie virtuelle qui fonctionne dans ce monde-là. Dans Habbo, il faut gagner à des concours pour espérer obtenir quelques espèces et là aussi, la carte de crédit (de papa !) semble incontournable.


Cours des changes Habbo


Cours des changes Second Life

Quelle est donc la raison qui pousse des êtres de chair à dépenser de l’argent souvent durement gagné pour améliorer la vie d’un avatar dans un monde virtuel ? Atteint-on le sommet du comportement consumériste : le consommateur achète un bien non matériel (ce qui n’est du reste pas si rare qu’on l’imagine) dont il ne peut pas profiter dans le monde réel ? S’agit-il plutôt de barrières que les promoteurs des mondes artificiels veulent créer pour « trier » indirectement leur clientèles : il y a un produit d’appel gratuit, puis divers services payants ? Cependant en jouissant de ces services, on est assuré de rester entre gens du même monde, phénomène qu’on retrouve déjà dans le domaine des sites de rencontre. Imaginez par exemple l’effet que peut produire un appartement joliment meublé dans Habbo ou bien une maisonnette dans Second Life! Ou bien le monde virtuel est-il en train d’acquérir une certaine substance ? Ce qui se vit dans le monde virtuel a des conséquences dans le monde réel et vice-versa. Dans ce cas, les ponts entre monde virtuel et monde réel (SL et RL dans le jargon de Second Life) ne pourront que se multiplier. A suivre …

* l’avatar désigne, dans la mythologie hindoue, les diverses incarnations d’une divinité.