Lors d’un soirée chez un ami, j’ai un peu parlé de mes projets muséaux dans Second Life. On m’a alors posé la question suivante: pourquoi s’investir dans un monde virtuel plutôt que dans le monde réel? J’ai donné quelques éléments de réponse, mais voilà l’occasion de mettre un peu mes idées en ordre. Je vois trois raisons qui peuvent pousser toute personne qui a un message à faire passer de s’investir dans le monde virtuel, Internet ou Second Life:
Contourner les filtres
Le phénomème des blogs et des sites de journalisme citoyen comme Agora Vox le montre bien, l’accès aux médias, à l’édition n’est pas aisé. Afin d’écrire dans un journal, de publier un livre, il est nécessaire de bénéficier d’un réseau. Médias et éditeurs choisissent ce qu’ils veulent laisser passer. Voilà pourquoi ils se font submerger par la vague des blogs, qui n’est pas en train de se terminer comme le prétendait une récente édition du Temps, mais qui entre plutôt dans une phase de maturation. Publier un livre est maintenant un jeu d’enfant et ne nécessite plus la tournée des éditeurs.
Comme les médias ou les maisons d’édition, les musées et espaces d’exposition ne sont pas facilement accessibles. Il y a beaucoup de gens à convaincre: responsable des espaces, sources de financement. Second Life offre la possibilité de créer une exposition sans passer par tous ces filtres et donne à chacun l’occasion d’être un commissaire, un curateur ou un conservateur.
On pourra toujours me rétorquer que ces filtres sont une garantie pour la qualité des articles, des livres ou des expositions. Peut-être. Mais en même temps, il faut bien reconnaître que ces institutions sont soit conservatrices, soit orientées vers l' »audimat ». Second Life offre donc un espace de créativité, un laboratoire où de nouvelles tendances peuvent s’exprimer. Et qui sait, les portes des musées s’ouvriront peut-être à certains de ceux qui auront fait leurs armes dans le cyberspace.
Investissements légers pour un public potentiel important
Créer dans Second Life ne coûte pas très cher. J’ai déboursé au maximum une cinquantaine de dollars pour monter ma petite exposition, en comptant l’achat de l’espace (env 20 $) l’importation des images (10L$ le fichier) et l’achat de quelques objets dans des boutiques de Second Life. Pour ce qui est de ce dernier point, une personne maîtrisant l’ensemble des techniques liées à Second Life n’aura à payer que le terrain. La parcelle que je possède ne nécessite même pas d’avoir un compte payant dans SL, puisqu’elle appartient elle-même à une communauté qui a acquis une île auprès de Linden Lab. Quant à ceux qui verraient grands, ils peuvent acquérir une île pour environ 1500 $ et 200 $ de taxes mensuelles. De plus, il n’y aucun frais généré par les bâtiments: chauffage, sécurité, gardiennage, accueil, etc., alors que le musée est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
La création d’un musée virtuel sur Internet a un certain coût, mais c’est sans commune mesure avec les investissements que rend nécessaire la construction d’un nouveau musée, pour lequel on compte habituellement en millions.
Quant au public potentiel, il est énorme: Second Life a 3 millions d’utilisateurs, Internet beaucoup plus. J’ai déjà fait visité mon exposition à des gens venant de divers pays d’Europe et d’Amérique. Les musées virtuels sont accessibles grâce à des moteurs de recherche (dans Second Life aussi), dont selon une thématique, et non pas selon le critère géographique (les dimanches de pluie, j’emmène mes enfants dans le musée le plus proche).
Une offre plus variée
Notre société favorise un mode de distribution massive, avec une variété de produits moindre. L’abondance de nos supermachés est une illusion. Seules quelques variétés de pommes ont été sélectionnées par les grands distributeurs alors qu’il en existe des centaines en péril de disparition.
Il en va de même pour la culture. Best-sellers, expositions hypermédiaques sont favorisés à tous les niveaux. Mais Internet a changé la donne, comme le montre le concept de la longue traîne. Grâce aux moteurs de recherche et aux recommandations de la communauté des internautes, des produits tombés dans l’oubli reviennnent à la surface.
Internet propose donc un autre modèle de distribution: quelques produits connaissent certes un grand succès, mais parallèlement on a une offre importante de produits différents, trouvant chacun son public. La variété revient, et la créativité avec elle. Dans un domaine comme celui des musées et de la diffusion des connaissances en général, c’est à souhaiter.
Ces remarques ne concernent pas que les individus, mais aussi des institutions, des organisations qui ont un message à faire passer, des connaissances à diffuser et peuvent utiliser Internet pour le faire.