La première journée de la conférence Lift07 était consacrée aux workshops proposés par les participants eux-mêmes. Deux de ces workshops avaient pour thème Second Life. Le premier (proposée par l’auteur de ce blog) était centré sur les activités culturelles de Second Life. Outre les réflexions sur les musées, le théâtre et la musique ont été évoqués. Ensuite la discussion s’est portée sur des questions fondamentales.
Second Life est un bon exemple de l’effet diligence. La plupart des créations qu’on y voit sont inspirées de la vie réelle, de même que le comportement des avatars qui souhaitent avoir un toit, des meubles et de beaux vêtements, sans compter divers artefacts comme des véhicules ou des machines à café (un must dans un endroit ouvert au public).
Une institution de la vie réelle reprise dans SL: le mariage
(Crédit: Linden Lab)
Cela revient à dire qu’une culture spécifique à Second Life (ou à tout univers virtuel 3D) doit encore émerger. Les creatifs qui construisent des projets dans SL doivent se poser constamment la question: suis-je en train de mimer le monde réel? Est-ce que je tire parti des potentialités de l’univers dans lequel je suis? On peut en effet se demander si à créer des galeries de photographies ou de reproductions de tableaux anciens dans SL a un sens. Hier soir encore je délirais avec un résident sur l’idée de développer des « pose balls » permettant de faire vivre à un avatar ou a un groupe d’avatars les danses extatiques des Bacchantes antiques. J’ai aussi reçu de la part d’un visiteur un cheval volant, Pégase, que mon avatar peut chevaucher dans le ciel de Colonia Nova. Voilà assurément des expériences impossibles à vivre dans la vie réelle. Mais je reste persuadée qu’il faudra encore du temps pour s’affranchir de l’influence de la vie réelle et de créer un univers virtuel 3D avec ses propres codes.
L’accent a aussi été mis sur l’aspect social de Second Life. En effet, on y rencontre des personnes, des liens se tissent, des collaborations naissent. Des communautés virtuelles sont actives et parviennent à faire aboutir des projets comme la création de simulators.
Second Life requière un équipement récent et un réseau puissant. De ce fait, il n’est pas forcément accessible à tous. Lors de l’atelier de l’après-midi, des participants ont aussi fait observer que SL n’était pas « user-friendly ». De fait, il est réservé à une élite possédant hardware et compétences. Il faut veiller à ce que l’imposition du paradigme Web 3D dont SL est la préfiguration ne vienne accentuer la fracture numérique que de nombreuses politiques publiques tendent à gommer.
Accès à SL: avec quelles ressources?
Par rapport à un site Internet, SL est un univers plus intuitif. L’utilisateur s’y déplace avec le corps de son avatar et vit des expériences à travers lui. Pour l’instant, seuls le clavier et la souris peuvent diriger ses mouvements, mais il est probable que, dans un avenir proche, des dispositifs techniques permettent à l’avatar de reproduire les mouvements de l’utilisateur réel. Une console de jeu munie de cette fonctionnalité vient de sortir : le joueur joue au tennis en tendant le bras et non avec une manette.
Mais la question cruciale reste le statut de SL par rapport à la vie réelle (RL). Est-ce que vivre des expériences, qu’elles soient professionnelles, culturelles ou dans le cadre des loisirs, apporte quelque chose dans la vie réelle ? Ne vaudrait-il pas mieux vivre sa première vie, en allant chez ses amis, dans les musées ou dans des discothèques plutôt que de prolonger le temps passé devant un ordinateur ? Il faut cependant reconnaître que les activités virtuelles ont des implications importantes dans l’existence de ceux qui les vivent. Dans le monde virtuel, les gens se rencontrent. Ils échangent leurs points de vue, mettent sur pied des projets, finissent par se rencontrer dans la vie réelle. SL est aussi un laboratoire. En effet, son statut de simulateur permet de tester toutes sortes de choses : vêtements, voitures, fonctionnements sociaux, etc… On l’a dit souvent ici, en adoptant la définition de Pierre Lévy, virtuel ne s’oppose pas à réel. Le virtuel correspond au potentiel : un ensemble de possibles. Certains de ces possibles s’actualisent et peuvent à nouveau se virtualiser. Il faut être bien conscient que le monde virtuel (qu’il s’agisse d’Internet ou de SL) ne constitue pas un monde à part, mais est la continuation de notre monde, son prolongement. Nous devons donc apprendre à vivre avec. Nous devons l’apprivoiser. Internet ou SL n’ont du reste pas de valeur morale intrinsèque et peuvent être utilisés à bon ou à mauvais escient. Intelligemment ou stupidement. Et c’est à l’utilisateur de faire ses choix.
NB: un second workshop a traité des opportunités commerciales de SL. Voici le lien vers les conclusions des participants:
http://www.arvetica.com/wp-content/uplo … sllift.ppt (12 MB)
Principale conclusion: tous les participants ont considéré que le WWW3D allait se développer, mais personne ne pensait que c’est Second Life serait l’univers 3D qui s’imposerait.