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Culture Second Life Tendances

Transformisme

Qui se souvient de Leopoldo Fregoli ? Cet acteur italien, né en 1867 et mort en 1936, était le roi du transformisme. Dans un seul spectacle, il pouvait jouer 60 rôles. Dans chacun de ses déplacements, il emportait plusieurs centaines de costumes et plus de 1000 perruques. L’ensemble de ses accessoires pesait 30 tonnes à la fin de sa carrière.
Les avatars de Second Life peuvent être modifiés aisément grâce à des vêtements, des chaussures, des accessoires, mais aussi des parties du corps, des cheveux aux parties les plus intimes… Un des résidents de cet univers virtuel a eu l’idée de créer autour de son avatar divers personnages qui constituent des caricatures de personnages publics. Il occupe un théâtre appelé CARIVATARS et, si vous avez la chance de tomber sur lui, vous pourrez peut-être assister à ses transformations. C’est assez spectaculaire, mais cela peut être lent si le système galère.
Mais le but de ce résident n’est pas tant de donner des spectacles que de prendre des photos (snapshots) de ses différents aspects pour illustrer son site Web satirique, pompeusement intitulé le Site officielle de Ségolène Royal:

http://www.segoleneroyale.com/


Georges Bush


Ségolène Royal en bikini


Nicolas Sarkozi en Iznogoud (mais avec le bikini de Ségolène Royal, à cause de problèmes de performances du système empêchant un changement rapide)

Voilà qui nous amène à nous poser des questions sur la nature de Second Life. Est-ce un jeu? Certainement pas au sens où World of Warcraft en est un: pas de but, pas de score, pas de quête. Mais certainement un jeu dans le sens de jeu théâtral. L’avatar est un personnage que l’on interprète, ni tout à fait soi-même, ni tout à fait un autre. Et plus encore que des tréteaux, Second Life participe du théâtre de marionnette. L’avatar est manipulé par son créateur, les commandes du clavier remplaçant les fils. Le marionnettiste fait aussi parler sa créature.
Les fables nous montrent les relations complexes qui se tissent entre créature, créateur, manipulateur : songeons à Pinocchio et à l’une de ses traductions en film, Artificial Intelligence. Aussitôt créée, la créature peut nous échapper et nous obliger à la poursuivre dans des voies qu’on n’imaginait pas, comme Gepetto qui retrouve Pinocchio dans le ventre de la baleine.

Du reste, Second Life pourrait aussi devenir un lieu de représentation théâtrale (c’est déjà le cas en fait) ou de tournage de film. Cette vidéo publiée dans Youtube pour annoncer l’arrivée de la série Star Trek dans l’univers virtuel peut en donner un avant-goût :

http://www.youtube.com/watch?v=03dCKltq-vA

http://trekmovie.com/

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Communautés virtuelles Politique Second Life Usages

Démocratie dans Second Life

Les potentialités de Second Life dans le domaine des discussions et des débats n’a pas échappé au monde politique. Depuis le début de cette année, la Chambre des Représentants des Etats-Unis a son équivalent dans le monde virtuel, dans un endroit appelé Capitol Hill. La salle des débats a été reconstituée. Tout y est: bancs, tribune, etc. Même le motif du tapis a été repris. La salle n’a pas de toit, ce qui permet d’apercevoir au dehors des reconstitutions de la coupole du Capitole et de l’obélisque géant de Washington. Dans les alentours, on trouve de petits pavillons avec des informations sur différentes politiques.

Le 4 janvier, un des membres de la Chambre des Représentants, le Californien Georges Miller s’est rendu dans Second Life, grâce à son avatar, pour y participer à des discussions. Le lendemain, le bâtiment était ouvert au public.

Georges Miller n’est pas le premier politicien à se rendre dans Second Life. L’ancien gouverneur de Virginie, Mark Warner, avait répondu à des questions l’été dernier.

La tendance est lancée. Verra-t-on d’autres parlements créer leur antenne dans Second Life pour être plus proches de leurs concitoyens? A observer attentivement.

http://www.house.gov/georgemiller/press/rel1407.html

http://www.computerworld.com/action/art … src=kc_top

Il existe aussi une vie démocratique propre à Second Life. En effet, certaines communautés dans ce monde virtuel, qui sont gérées par des institutions démocratiques. Cest le cas de la Confederation of Democratic Simulators, qui gère actuellement deux sims (mondes simulés): Neufreistadt (bâtie sur le modèle d’une ville allemande du Moyen-Âge) et Colonia Nova (construite sur le modèle d’une cité romaine). Les citoyens sont l’ensemble des personnes possédant un terrain dans l’un des sims. Plusieurs partis représentent les différentes sensibilités de ces citoyens. Parmi les questions très débattues, il y a la construction de nouveaux sims et le fonctionnement des institutions elles-mêmes. Des élections ont lieu régulièrement, afin d’élire des représentants. C’est le cas actuellement.

Ces élections donnent lieu à une véritable campagne et des débats publics. A Colonia Nova, l’apparence du Forum s’en est trouvé profondément transformée. Quant aux discussions, elles ont plutôt lieu dans le théâtre.

http://neufreistadt.info/

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Culture Musée virtuel

Aidez-nous à construire votre musée virtuel!

C’est ainsi qu’un journal anglais s’adresse à ses lecteurs. Il leur présente un projet de musée virtuel, dont la réprésentation en 3D et les principales subdivisions sont déjà réunies et leur propose de participer à l’élaboration de ce musée. Il s’agit d’un musée dont le but est de donner des impressions de la ville anglaise de Norfolk: portraits de personnages historiques, photos de paysages, faune, etc… L’idée du projet est d’utiliser les avis donnés par le public pour construire un musée dans lequel ce public, espère-t-on, se reconnaîtra.

Site du journal: http://new.edp24.co.uk/

Descriptif du projet de musée virtuel: http://new.edp24.co.uk/content/aspx/VRm … useum.aspx

Ce projet sera intéressant à suivre. Il fait appel en fait au musée imaginaire qui se trouve en chacun de nous, comme Malraux le définissait. Mais le résultat sera-t-il vraiment un musée virtuel? Entre les divers musées imaginaires des participants et le musée qui sera en ligne, on peut supposer qu’il y aura un certain nombre de filtres. Les initiateurs du projet feront des choix dans la masses des idées récoltées. Ils ont probablement eux-mêmes une certaine conception de ce que doit être un tel musée*. A la fin, on aura un cybermusée, c’est-à-dire un site muséal qui présente une collection, mais qui n’est pas virtuel au sens où Pierre Lévy a défini ce terme. Dans un musée réellement virtuel, le visiteur a la possibilité de créer lui-même une réunion d’oeuvres, selon des critères qui lui appartiennent. De tels musées virtuels en ligne existent déjà, comme le Musée virtuel du Canada ou le site anglais Ingenious. Ces deux sites offrent à leurs visiteurs la possibilité de créer leur propre galerie à partir de la collection générale.


Ingenious: http://www.ingenious.org.uk/

Musée virtuel du Canada: http://www.museevirtuel.ca/

Pour mettre en place un tel musée virtuel, il faut d’abord offrir une importante collection en ligne, qu’elle émane d’un ou plusieurs musées réels ou de tout autre institution (photothèque, vidéothèque, etc…). Ensuite il est nécessaire de mettre en place une plateforme informatique donnant la possibilité aux visiteurs de créer une galerie, de sélectionner des images d’oeuvres ou d’objets et de leur ajouter un commentaire. Reste la question de la ligne éditoriale. Les deux musées mentionnés ne mettent pas en ligne les galeries créées par les internautes. Faut-il le faire et prendre le risque d’avoir tout et n’importe quoi? Faut-il y renoncer et donc se priver d’une interactivité créatrice. Il est possible aussi de donner aux créateurs d’expositions virtuelles la possibilité de soumettre leurs galeries. Les responsables du site devront alors choisir les meilleures, mais sur la base de critères transparents.
Il existe une troisième voie permettant d’établir l’immédiateté entre le public et le musée virtuel: c’est d’utiliser Internet comme un outil de collecte. Il existe au Brésil un Musée de la Personne qui réunit des histoires de vie. Chacun peut s’inscrire sur son site et livrer textes, documents, récits, photos. Quand on va sur un site comme Flickr, on a aussi l’impression d’un musée virtuel, réunissant des images du monde entier. Les images peuvent ensuite être exportées sur un système de blog pour être commenté par un autre internaute. Et elles indexées par les utilisateurs. On peut donc imaginer un site où, à l’échelle d’une région, les gens verseraient les versions numérisées de documents, de photographies anciennes, etc…. Il est évident que ce type de site doit être géré par des spécialistes, historiens, sociologues, muséographes. Le site ne doit pas seulement être vu comme un outil de collecte, mais aussi comme un outil de valorisation de la collection, notamment par le biais d’expositions virtuelles. Ce genre de projet peut permettre à une région de travailler autour de sa propre identité.

Musée de la Personne (anglais, brésilien): http://www.museudapessoa.com.br/

L’immédiateté entre public et musée sur Internet peut donc s’opérer diverses possibilités et les croisements entre ces possibilités ne sont pas interdits. Bref, l’avenir du musée sur Internet est passionnant.

* pour éviter ce problème, il faut probablement aller plus loin que la récolte d’idées. Il faut ouvrir un dialogue avec les gens qui veulent participer au projet, pour savoir ce qu’ils attendent vraiment d’un tel musée. De telles expériences ont déjà été menées par des musées réels, aboutissant à des expositions. Un tel exercice pourrait aussi être fait en ligne (en tout cas techniquement).

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Communautés virtuelles Science Second Life Usages

Un tout petit monde

Ah! serait-il bientôt achevé, ce temps où le colloque, le congrès pimentait la vie des universitaire? David Lodge, dans son roman « Un tout petit monde » avait bien mis en évidence la place de cet événement pour les enseignants universitaires et tous ceux qui, plein d’espoir, gravitent autour d’eux. Le plus souvent, participait à un congrès et, de temps en temps, il fallait soi-même en organiser un. Les colloques ne se ressemblaient pas tous: il y avait ceux de première classe, dans de beaux hôtels, tous frais payés, et ceux de basse catégorie, où l’on dormait et mangeait dans une cité universitaire désertée par les étudiants en période de vacances.
Même ce domaine sacro-saint, Internet risque de changer la donne. La National Academy of Sciences annonce la tenue d’un symposium virtuel sur le thème « Visual Culture and Bioscience », du 5 au 13 mars. C’est une artiste et théoricienne de l’art, Suzanne Anker, qui a été choisie pour modérer ce congrès. L’événement est présenté comme une rencontre virtuelle réunissant une trentaine d’experts et dont les discussions seront disponibles en ligne. Un blog du symposium est aussi annoncé.

http://www.visualcultureandbioscience.org/

La tendance est lancée, que ces colloques, conférences aient lieu sur Internet, via des webcasts, des podcasts, des tableaux noirs virtuels ou même (et c’est encore plus in) dans Second Life. Dans cet univers virtuel, il existe de nombreux amphithéatres dans lesquels on peut organiser des présentations, des discussion. Il est même possible d’y afficher des images ou de lancer des fichiers sons ou vidéos.

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Art numérique Culture Musée virtuel Second Life

Second Louvre

Il fallait s’y attendre. Comme cela a été le cas sur Internet, il y a une dizaine d’années, le musée du Louvre a été devancé par une initiative privée dans Second Life. En effet, Second Louvre a été construit sur une île de ce monde virtuel, avec des voisins bizarres. Le bâtiment n’est pas complet. Il comporte trois ailes, Sully, Denon et Richelieu, réparties en T. Néanmoins le détail de la reconstitution est plutôt remarquable, si l’on en juge par la façade.

L’intérieur est tout aussi soigné. Le contenu cependant peut surprendre un habitué du vrai Louvre. On pourrait chercher longtemps la Vénus de Milo ou le Scribe accroupi, car il s’agit en fait d’une galerie d’art. Son promoteur expose divers artistes, aussi bien des réalisateurs de sculptures en 3 D, des animations numériques que des tableaux et des photographies.

Le curateur du Second Louvre précise qu’il n’a aucun lien avec le musée parisien du Louvre. Il y a quelques années, le créateur du premier Louvre en ligne avait dû faire machine arrière et renoncer au nom du prestigieux musée parisien. Qu’en sera-t-il dans Second Life?

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Bibliothèque virtuelle Communautés virtuelles Culture Musée virtuel

Le toit du monde en ligne

Internet permet de réunir des ressources multiples autour d’un thème. C’est ainsi que les spécialistes des cultures himalayennes (tibétaines, népalaises, etc…) ont mis en place le site Tibetan & Himalayan Digital Library, soutenu par plusieurs universités. On y trouve des ressources d’une grande richesse: des images, des vidéos, des cartes, des textes, des dictionnaires, etc…

:-)http://www.thdl.org/

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Tendances

Education en ligne

Suivre un cours de cinéma avec Milos Forman dans une université américaine: un rêve? Non, c’est même possible en restant chez soi et en suivant le cours à son rythme. L’Université de Columbia, à New York, a mis en ligne certains de ses cours. On peut y accéder, même sans être étudiant officiel, en créant un compte gratuit de 60 jours.

Chaque cours est présenté de manière structurée et, pour la plupart d’entre eux, il est possible de visionner des vidéos du professeur donnant ses explications. Chaque vidéo est également transcrite, à l’attention des personnes handicapées de la vue. Ces transcriptions sont également utiles pour ceux qui ne comprennent pas totalement les discours en anglais.

http://cero.columbia.edu/

Il ne s’agit donc pas de ressources, mais de véritables cours en ligne. On a beaucoup discuté du e-learning, des espoirs qu’il a suscité de ses échecs, de ses avantages et désavantages. Il est probable que certaines matières sont difficiles à apprendre à distance et que tout apprenant a besoin de se sentir guidé, suivi. Comme l’a montré Jacques Perriault dans son livre « L’accès au savoir en ligne », la vague du e-learning sur Internet n’a pas su écouter les leçons de l’enseignement à distance qui, on l’ignore souvent, a une très vieille tradition derrière lui.
e se déplacer dans une ville universitaire pour suivre des cours.
Dans le domaine du e-learning, les expériences doivent néanmoins se poursuivre. Plus le temps passera et plus il sera naturel, à de plus en plus de personnes, notamment des jeunes, auront apprivoisé les technologies de l’information et considéreront comme naturel de rester derrière son ordinateur pour apprendre. Le Japon ouvrira ce printemps la première université totalement en ligne. Cette Cyber University, ainsi qu’elle se nomme, sera composée de deux Facultés: technologies de l’information (ce qui va de soi) et World Heritage. Son premier recteur est aussi professeur d’archéologie égyptienne. L’institution comprendra une centaine d’étudiants pour 1300 étudiants. Pour être agréée, cette institution financée par des fonds privés, a dû répondre à un certain de critères, devant notamment démontrer que ses futurs étudiants n’auront pas la possibilité de tricher.

http://www.asahi.com/english/Herald-asa … 90184.html

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Bibliothèque virtuelle Science

Tournez la page

Quel meilleur conseil au début de l’an neuf? Et pourquoi ne pas le faire en ligne? Grâce à la British Library et à son offre « Turning the Page », c’est possible. En effet, la vénérable bibliothèque nationale anglaise a numérisé quelques uns de ses trésors et, via une application réalisée avec Flash, elle permet à tous les internautes de tourner les pages d’ouvrages que seules quelques mains privilégiées peuvent toucher en temps ordinaire. Avec la souris, il suffit de cliquer sur un coin de page et de tirer doucement dans le sens de la lecture pour tourner la page. Et la page se tourne…
A consulter: un manuscrit de Jane Austen, un livre d’heures, un ouvrage de botanique, etc… On peut aussi découvrir la Suisse dessinée avec le Sud en haut du livre dans l’Atlas de Mercator.

On peut consulter aussi des oeuvres en arabe, persan, hébreux. Le sens de la lecture est respecté dans ces derniers exemples: on tourne les pages de droite à gauche.
Du reste, les supports ne sont pas uniquement des livres. Le plus ancien document imprimé est chinois et il se présente sous la forme d’un rouleau, qu’il faut donc dérouler de droite à gauche pour le déchiffrer.

Chaque page d’un ouvrage est présentée dans un commentaire à écouter ou à lire. Il est aussi possible d’utiliser une loupe pour agrandir certaines parties.
On a beaucoup parlé d’effet diligence dans ce blog. A-t-on simplement affaire à une transposition d’une activité de la vie réelle. Pas vraiment. Les pièces présentées sont rares, précieuses et extrêmement fragiles. Les mettre à disposition sur Internet est une manière de les préserver tout en leur donnant une nouvelle vie. Et comme le support est aussi essentiel que le contenu, dans ces cas, il est important que le visiteur du site puisse avoir une impression de l’objet réel. Ce type d’application n’est réservé qu’à quelques ouvrages précieux, mais c’est une excellente manière de mettre en valeur les trésors de nos bibliothèques.

http://www.bl.uk/onlinegallery/ttp/ttpbooks.html

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Général Second Life

Meilleurs voeux

Tous mes voeux pour la nouvelle année, que vous la fêtiez dans la vie réelle ou dans le monde virtuel.

Dans Second Life, le champagne coulait à flot:


Sim Amsterdam

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Bibliothèque virtuelle Culture Homère

Redonner voix au chant

C’était il y a quelques années. Alors assistante de grec ancien à l’Université, j’étais en charge d’expliquer aux étudiants la théorie selon laquelle les épopées homériques, l’Iliade et l’Odyssée, tiraient leur origine d’une tradition orale. Personne ne doute de cette origine, mais deux théories s’opposent sur la composition des poèmes attribués à Homère. Selon les uns, seul un poète unique (ou deux poètes, un pour l’Iliade et un pour l’Odyssée) ont composé ces poèmes et leur longueur imposait l’usage de l’écriture. Selon les autres, ces poèmes ont été composés dans le cadre d’une tradition collective d’aèdes, qu’on aurait, suite à la disparition de ladite tradition, personnifié sous les traits d’un poète aveugle, Homère, dont l’existence historique est douteuse.


Homère et son guide, William Bouguereau (extrait)

Parmi les savants qui ont défendu cette position, il faut mentionner l’américain Milman Parry (1902-1935). Ce dernier a présenté une thèse à la Sorbonne, où il démontre le caractère formulaire du langage homérique : ce langage fonctionne un peu comme un jeu de construction danois, fort apprécié de nos enfants. Il est formé de groupes de mots, des formules, qui groupent nom et épithète (Athéna aux yeux pers, Zeus assembleur des nuées, …), de morceaux de phrases (des mots s’échappèrent de la barrière de sa bouche), voir de petites scènes. L’aède (poète oral) assemble ces formules pour former son poème. Les histoires répondant elles-mêmes à des canevas, le poète improvise à chaque fois son poème.
Les tenants du poète unique et de la composition écrite renvoyaient toujours l’argument de la longueur pour démonter la théorie de leurs adversaires : lire l’Odyssée de bout en bout prend environ 24 heures. Milman Parry souhaitait alors montrer qu’une tradition orale était capable de composer des poèmes, sans recourir à l’écriture. Le moyen le plus évident de faire cette démonstration était d’en trouver des exemples vivants. C’est pourquoi Milman Parry s’est rendu dans les Balkans (dans les années 30) avec du matériel d’enregistrement. Il y avait encore là une tradition orale vivante. Milman Parry a fait de nombreux enregistrements de poètes oraux et, après sa mort accidentelle, Albert Lord a poursuivi ses travaux. Malheureusement pour ces deux chercheurs, cette tradition orale ne présentait pas de très longs poèmes, d’une durée équivalente à celle des poèmes homériques.
A l’époque où je présentais leurs travaux, qui présentaient de toute façon un intérêt sur les techniques d’improvisation à partir d’un style formulaire et de canevas, j’avais lu que tous les enregistrements qu’ils avaient faits dormaient dans les compactus d’une université américaine et qu’ils avaient finalement été peu exploités. C’était un triste constat de voir les témoignages d’une des dernières traditions orales européennes pratiquement inaccessibles et condamnés à l’oubli.
Ce fut donc une agréable surprise de découvrir que, grâce aux techniques de numérisation et à Internet, la situation avait finalement évolué. En effet, les enregistrements sont numérisés et, peu à peu, mis à la disposition de tous ceux qui sont susceptibles de s’en occuper, sur le Net. Cette banque de données n’intéressera plus forcément les hellénistes, au premier chef, mais les folkloristes, les spécialistes des Balkans. Et peut-être qu’on trouvera une partie des réponses aux questions de Parry et Lord.
La numérisation et la mise en réseau d’information peut redonner vie à toutes sortes de corpus qui dorment dans des caves de bibliothèque. Ceux qui en seraient les meilleurs spécialistes habitent peut-être trop loin pour venir les étudier, mais si ces documents sont disponibles sur Internet, ils auront la possibilité de les exploiter. Et le savoir humain en sera d’autant plus augmenté.

http://www.chs.harvard.edu/mpc/