Chris Headcock a rappelé que l’histoire du Net se confond avec celle des communautés en ligne. Qu’on se rappelle Usenet ou les mailing lists. Du reste, ces communautés ne sont pas toutes sur le Web. Il y a beaucoup de communautés invisibles (pour Google), qui se créent à travers des applications pour téléphones portables.
Plusieurs orateurs se sont alors penchés sur la question de l’engagement de communautés en ligne dans des projets. Pour Nick Coates, la co-création a débuté bien avant la naissance d’Internet. Nous la (re)découvrons un peu comme Monsieur Jourdain découvrait la prose. Le Web donne simplement de nouveaux outils de collaboration et permet d’accéder à un réseau humain beaucoup plus large. La co-création ne se confond ni avec la collaboration, ni avec le crowdsourcing. C’est un processus qui doit être géré et dont le but est de produire quelque chose de concret. Le projet Fiat Mio, présenté par Gabriel Borges dans une masterclass, peut servir d’illustration à cette problématique. Fiat Brésil a décidé de créer une voiture-concept avec l’aide des clients. Une plate-forme collaborative a donc été lancée. Elle a attiré 19000 participants inscrits et recueilli 11000 idées. Ces idées ont débouché sur des spécifications qui ont été publiées sous une licence Creative Commons. Ces spécifications ont ensuite été interprétées par les designers et les ingénieurs de Fiat qui ont créé un modèle fonctionnel. Ce modèle a été présenté au salon de l’automobile de Sao Paulo en 2010.
Nous avons peut-être affaire à un changement de paradigme profond. Si l’on reprend l’histoire de la voiture, au départ, il y a les inventeurs eux-mêmes. Voilà pourquoi tant de marques de voitures portent le nom de leur créateur (Porsche, Chevrolet, Opel, …). Ensuite ce sont des équipes d’ingénieurs et de designers (aidés peut-être par le service de marketing) qui conçoivent les modèles. Ils impliquent certainement des utilisateurs au cours de leurs recherche, mais sans ouvrir le processus à tout le monde. La voiture, comme beaucoup d’autres objets de notre quotidien, est devenu un objet lié aux désirs profonds de l’individu. Jean-Claude Biver nous disait qu’on n’achète pas une montre pour connaître l’heure: c’est bien plus que cela.L e consommateur souhaite s’impliquer dans le processus de création: on parle de plus en plus de consommacteur. Tous les individus ne participent pas, loin s’en faut. Tiffany St James a rappelé que ceux qui participent de manière intense à Wikipédia ne représentent que 1% des participants. Les autres observent, mais savent que leur participation est ouverte. On n’arrive peut-être pas à de meilleurs produits avec un processus de co-création en ligne, mais les consommateurs ont le sentiment de mieux pouvoir s’approprier ces produits.
Reste à voir les conséquences de cette vie intense passée dans des communautés en ligne. C’est la question de la e-réputation. On est passé des petits villages où tout le monde savait tout sur tout le monde à l’anonymat des grandes villes. Puis Internet et les médias sociaux sont arrivés. Comme l’affirme Brian Solis, nous avons trois vies: une vie publique, une vie privée et une vie secrète. Les médias sociaux contribuent à les mêler. On retourne à un village global dans lequel ce sont des algorithmes qui calculent l’indice de réputation des gens qui participent.
L’exposé de Ben Hammersley avait un certain écho avec le précédent, dans la mesure où il montrait la coexistence de deux générations. L’une vit dans un monde pyramidal, fait de hiérarchies, où chacun connaît sa place. L’autre, faite de gens très jeunes, est plongée dans un monde de réseaux et ses logiques d’association sont basées sur les seuls intérêts. Au milieu, il y a nous, c’est-à-dire les gens qui assistent à des conférences comme Lift ou leurs semblables. Les blocages sont issus du fait que ceux qui vivent dans un monde pyramidal ne peuvent pas comprendre qu’ils ne peuvent pas comprendre ce qu’ils ne comprennent pas (They can’t understand that they can’t understand what they can’t understand). Charge à nous (le fameux nous) de leur expliquer …
Jean-Claude Biver est venu parler de l’innovation. A ses yeux, nous devons innover depuis le premier jour où nous sommes nés. Pour cela, il faut accepter les erreurs. L’enfant naît avec des jambes sans savoir marcher. Il va essayer et tomber des centaines de fois. A chaque fois, son cerveau apprend et l’enfant finit par savoir marcher. L’apprentissage par erreur est un processus positif. Pour lui, il faut essayer de garder cette attitude innovatrice, créative et ne pas se laisser mettre en forme par des différents systèmes auxquels nous sommes confrontés. L’innovation et la créativité sont plus importantes que le savoir, qui peut s’acquérir. Pour innover, il faut être le premier, il faut être unique et il faut être différent.
Matthias Lüfkens, directeur associé au WEF, nous a fait un petit cours de Twiplomacy. Il a montré, cartes à l’appui, comment les chefs d’état utilisent Twitter et comment ils s’échangent des messages entre eux. Ce sont les chefs d’état sud-américains qui utilisent le plus ce moyen. L’orateur a relevé que le président russe, Medvedev, publiait lui-même ses messages dans Twitter et postait aussi des photos dans Twitpic. Arnold Schwarzenegger utilisait même Twitter pour dialoguer avec ses concitoyens en répondant à leurs questions. Grâce à Twitter, les leaders deviennent plus proches de leurs administrés et peuvent entamer une conversation.
Hululement
Fast knowledge
En avant la musique !
Avec Magic Fiddle, le iPad se transforme en violon. Un bref tutorial donne les bases nécessaires à l’éxécution de morceaux simples. On entraîne les arpèges et puis on se lance. Une série de pièces sont déjà disponibles dans l’application et il est possible d’en acheter d’autres. Parmi les morceaux disponibles: Pomp and Circonstance, l’Ave Maria de Shubert, le Canon de Pachelbel et divers airs de Noël.
Le tutorial attire l’attention du débutant sur l’importance de la position (debout) et sur la manière dont il faut tenir son instrument. Ce dernier comporte trois cordes. La distance entre les cordes est réglable dans les paramètres. Il faut aussi jouer avec quatre doigts.
Une fois le tutorial exécuté, il faut se lancer. Les notations musicales sont simples à comprendre: un petit trait de lumière vient frapper la corde à l’endroit où il faut jouer. C’est très simple et avec un peu d’habitude, les doigts “attrapent” les notes. L’application donne rapidement l’impression que l’on joue. Bien entendu, il s’agit d’une exécution un peu mécanique, rappelant les orgues électroniques pour enfants et leurs codes de couleurs.
L’application indique à l’utilisateur après chaque exécution combien de notes justes il a joué. Il lui accorde aussi une médaille de bronze, d’argent ou d’or. Cela permet de progresser, mais cela transforme aussi la musique en jeu d’habileté.
Comme Ocarina, Magic Fiddle est une application qui permet de partager son art avec le monde entier. Pour peu que l’on soit d’accord, ce qu’on joue est associé avec notre position sur le globe. D’autres utilisateurs peuvent essayer de trouver des musiciens sur la carte et les écouter. L’avantage, c’est qu’on réalise vite qu’il y a moins bon que soi …
Avant que la technologie ne permette de numériser les manuscrits les plus rares et les plus fragiles, l’accès à ces documents n’était possible qu’à de rares privilégiés, qui ont passé tous les obstacles imaginables et obtenu les autorisations nécessaires. Aujourd’hui, les manuscrits sont lisibles directement sur Internet. Des fonctionnalités sophistiquées permettent de les parcourir et de les agrandir. Les chercheurs du monde entier peuvent y accéder sans mettre de gants ou signer de décharge, de même que les amateurs de littératures souhaitant connaître mieux les auteurs qu’ils admirent. Le King’s College vient de mettre en ligne les manuscrits de l’écrivain anglaise Jane Austen (1775-1817). Ces manuscrits témoignent de l’ensemble de l’oeuvre de Jane Austen, de ses jeunes années jusqu’à sa mort. Ils proviennent d’une collection restée dans la famille de l’auteur, jusqu’au décès de la soeur de Jane. Ensuite de quoi, ils ont été dispersés dans plusieurs bibliothèques. Leur numérisation permet de les réunir à nouveau. Le matériel photographique utilisé est le même que celui qui a servi à la numérisation des manuscrits de la Mer Morte. Chaque saisie dure environ 2 minutes.
http://www.janeausten.ac.uk
Parallèlement, une transcription diplomatique (c’est-à-dire respectant l’orthographe, la ponctuation, les lettres majuscules et minuscules, les mots biffés, les annotations) a été réalisée. Ce texte est disponible en format XML, permettant d’indiquer dans des balises les différentes particularités du texte, par exemple les variantes orthographiques. C’est le standard du Text Encoding Initiative (TEI) qui a été utilisé pour la mise en forme de cette transcription. Une édition imprimée est également prévue.
http://www.tei-c.org
L’étude des manuscrits des auteurs est essentielle pour le travail d’édition d’une oeuvre. Elle permet aussi de comprendre comment un auteur élabore son texte: ce dernier peut faire l’objet de nombreuses corrections ou être écrit sans rature. Le manuscrit permet aussi de découvrir quelques surprises. A en croire une experte de l’Université d’Oxford, Jane Austen était mauvaise en orthographe, en ponctuation et en grammaire, ce qui laisse supposer l’intervention d’un correcteur.
Jane Austen, sa piètre orthographe et son relecteur de talent, Le Monde (24.10.2010)
Lire avec un iPad
Je me trouvais un jour dans le train, occupée à lire sur mon iPad quand un homme d’une soixantaine d’année s’est approché. Il m’a dit qu’il avait lui aussi un iPad et il voulait savoir comment on lisait des livres avec cet appareil. La réponse à cette question n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Il existe plusieurs applications permettant de télécharger des livres directement sur l’appareil et donc de les lire sans connection Internet. La plus connue est celle qui est livrée avec l’iPad: iBooks. Elle se présente sous la forme d’une étagère sur laquelle les livres sont disposés. Actuellement, elle offre des ouvrages gratuits essentiellement du domaine public (pour la plupart du projet Gutenberg). La majorité des ouvrages sont en anglais, mais il y a tout de même un choix de livres en français, en allemand, en espagnol, en italien et en latin.
L’application a d’intéressantes fonctionnalités rendant la lecture des ouvrages très attractive. Il est possible de copier du texte, de rechercher un terme dans le dictionnaire (en anglais seulement), de surligner un passage, d’écrire une note et de rechercher un terme dans l’ouvrage en cours de lecture, puis sur Internet. L’index permet de voir tous les signets et les notes. Evidemment, il est possible d’agrandir la police de caractère, de la modifier, de régler la luminosité et la couleur de fond (blanc ou sepia).
L’application Stanza est assez proche d’iBooks, même si elle se contente d’une liste d’ouvrages à la place d’une étagère. Elle permet d’accéder à un fond de textes du domaine public et à certaines maisons d’édition (dont O’Reilly). Outre le dictionnaire et la possibilité d’écrire des notes, il est aussi possible de partager un extrait sur Facebook et Twitter ou de l’envoyer par mail.
Enfin l’application Kindle donne accès au catalogue d’Amazon, ce qui correspond à une offre importante. La présentation des ouvrages est assez sommaire: on voit les couvertures, mais il n’y a pas d’étagère. Même s’il n’est possible que de surligner et d’annoter, l’application offre une fonctionnalité intéressante. Si elle est installée sur plusieurs appareils (iPhone, iPad, ordinateur) et utilisée avec le même compte, elle permet de synchroniser l’état de la bibliothèque et de la lecture. Si on lit quelques pages dans le train, on peut retrouver la page où l’on s’est arrêté quand on reprend sa lecture sur son portable. De plus, les passages surlignés sont agrégés par l’application et il est possible de voir quels passages ont été considérés comme intéressants par d’autres lecteurs et combien d’autres les ont mis en évidence. On s’achemine vers une sorte de lecture collective.
Parallèlement aux applications donnant accès à des bibliothèques gratuites ou payantes, il y a des applications-livres. Il s’agit essentiellement de livres illustrés ou de livres pour enfants, mais pas exclusivement. Les livres pour enfants sont très attractifs. Dans “La souris qui voulait manger un chat“, l’histoire est lue par une voix off.
L’iPad et les appareils similaires donnent une autre dimension à la lecture. Elle devient de plus en plus discursive. Le contexte est rapidement accessible. On peut partager facilement ses opinions, réactions, émotions. De plus, il devient possible de savoir comment les lecteurs, globalement, lisent un livre et ce qui les intéresse.
Châteaux vus du ciel
J’ai passé mes vacances dans la vallée de la Loire à visiter les châteaux des rois de France. Ces châteaux sont tous impressionnants par leur architecture. Ils sont souvent entourés de magnifiques jardins. En rentrant, je me suis demandée si on pouvait les voir dans Google Maps. Je n’ai pas été déçue du résultat.
Le château de Chenonceau enjambe le Cher. Il est entouré des jardins voulus par Diane de Poitiers et Catherine de Médicis.
Un modèle 3 D du château de Chenonceau est disponible dans Google Earth.
Le château de Cheverny a servi de modèle à celui de Moulinsart, dans les aventures de Tintin.
La pagode de Chanteloup et son bassin, c’est tout ce qu’il reste du grandiose palais que s’est fait construire le duc de Choiseuil, un ministre en disgrâce de Louis XV. Ce bâtiment imitant une pagode chinoise était en vogue à l’époque.
Pagode de Chanteloup
Le château de Chambord était une halte de chasse de François 1er.
On peut s’en approcher grâce à Street View.
Bien entendu, rien ne remplace la visite de ces monuments où chaque pierre, chaque marche d’escalier, chaque linteau raconte une page de l’histoire de France. Mais on peut déjà apprivoiser ces lieux en ligne …
Livre ou reader?
Les vacances constituent un excellent temps pour la lecture. Après la sortie de l’iPad, on peut se demander dans quel format lire le roman de l’été: en format poche ou sur reader? Une récente étude du gourou de l’ergonomie Web, Jakob Nielsen, montre qu’il faut entre 6 à 10% de temps supplémentaire pour lire un texte (en l’occurrence une nouvelle d’Ernest Hemingway) sur un reader (iPad ou Kindle), par rapport au temps nécessaire pour la même histoire dans un livre papier. Malgré tout, les participants à l’étude se sont déclarés satisfaits par la tablette en question.
Article sur CNN
Photo: MicMac1 (Flickr)
Je suis en train d’apprivoiser mon propre iPad. J’ai commencé par charger de nombreux ouvrages provenant du domaine public. Parmi eux, le Rouge et le Noir qui fait plusieurs centaines de pages. La lecture d’un roman semble fastidieuse sur le iPad et un format de poche me paraît plus agréable. Il en va autrement pour la poésie. Un poème se lit vite. L’application iBooks permet de rechercher un mot dans tout l’ouvrage, dans un dictionnaire (le français n’est pas encore disponible), sur Internet. Il est possible de mettre des passages en évidence avec différentes couleurs et d’ajouter des notes. Sans parler de la fonction copier-coller qui permet de publier un extrait dans un blog.
L’application Kindle d’Amazon, disponible pour PC, Mac, iPhone, iPad, présente encore d’autres avantages. Tout d’abord, il est possible d’avoir ses ouvrages sur plusieurs appareils. L’état de la lecture est synchronisé entre les différentes machines. Je peux lire un ouvrage sur mon iPad lorsque je suis dans un train. De retour chez moi, je reprends ma lecture sur un ordinateur et je me retrouve exactement à la page où j’en étais arrivée. L’application Kindle permet aussi de voir combien de personnes ont mis en évidence certains passages. Il est possible de voir rapidement les passages intéressants d’un essai. On peut parler de lecture collective.
Quand on dit livre, on pense roman, Proust, Balzac, Zola. Ces textes-là, on a de la peine à s’imaginer les lire sur un reader. Il en va de même du roman de l’été: on ne va pas embarquer le dernier Marc Lévy sur son iPad et le lire sur une plage. Pourtant il n’y a qu’à jeter un œil sur sa bibliothèque pour constater qu’il existe de nombreux types de livres qu’on ne lit pas de manière linéaire. Que l’on songe aux dictionnaires, aux guides de voyage, aux manuels en tout genre, aux livres de cuisine. On peut parler de lecture utilitaire. Ce sont précisément ces ouvrages qui se prêtent le mieux à une transposition sur iPad. J’ai justement acheté un livre de recettes culinaires. Je peux chercher des recettes par mots clés (que faire avec des pommes ?), par thème (Noël). Je peux établir une liste d’achats pour un menu. Une partie des recettes et certaines actions (découper une langoustine) sont présentées sous forme de vidéos. Les recettes sont prévues pour 4 personnes. Je peux ajouter ou enlever des convives et l’application recalcule les quantités dont j’ai besoin. Seul inconvénient: il faut faire attention à son iPad sur la surface de travail …
Les readers sont conçus pour un autre type de lecture que celle d’un roman. Une lecture qu’on pourrait qualifier de discursive. Ils permettent d’annoter, de rechercher. Ils donnent de nouveaux accès à l’information, comme la géolocalisation pour les guides de voyage. On ne le dira jamais assez, les livres de papier ne disparaîtront pas. Les readers s’ajoutent à de nombreux dispositifs permettant de lire et d’accéder à la connaissance. J’ai un laptop, un iPhone, un iPad et je croule sous les livres de papier …