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Retour vers le réel

Je suis les conférences Lift depuis plusieurs années et elles nous avaient conduit vers un monde de plus en plus virtualisé. Tout devenait virtuel, jusqu’à l’argent. Les réseaux sociaux conduisaient à une société liquide, au sens où le sociologue Zygmunt Bauman l’entendait. Cette année, c’est le grand retour vers le réel. La technologie n’est plus l’outil qui veut nous affranchir de la réalité. Elle veut au contraire nous en rapprocher. Deux aspects essentiels ont été traité: celui des organisations et celui des artefacts. Dans le domaine des organisations, la question essentielle est de savoir comment ces dernières peuvent s’adapter et survivre dans un environnement complexe et en perpétuelle mutation. Le monde des technologie a inventé des méthodes de gestion permettant de développer des projets rapidement et efficacement et ces méthodes peuvent s’appliquer maintenant à l’ensemble des entreprises. La démocratie peut aussi utiliser les technologies pour permettre aux citoyens de participer d’une manière plus large.
Les objets qui nous entourent redeviennent le centre des technologies. Les imprimantes 3D matérialisent les créations numériques. Les téléphones portables servent à intégrer de nouvelles fonctionnalités dans des objets usuels comme des plateaux de jeu et disparaissent de notre vue. Des kits électroniques permettent de créer soi-mêmes des artefacts, reliés à Internet ou pas. Grâce à la plateforme Etsy, il est possible d’acquérir les objets fabriqués par des milliers d’artisans à travers le monde. Sans oublier les plaisirs des sens: grâce à une application, on peut régler l’intensité d’un vibromasseur. L’objet, celui qui le conçoit (designer) et celui qui le fabrique (artisan) sont de retour. Finalement les savoir faire n’ont jamais disparu, liquéfiés dans l’univers numérique. Ils se sont réinventés, comme ils n’ont jamais cessé de le faire. S’ils ont survécu à la mécanisation, à la machine à vapeur, à l’électricité, à l’électronique, ils survivront aussi à l’informatisation. Mieux encore, ils en tireront parti.
Imprimante_3D
Il faut voir cette évolution comme un signe de mûrissement des nouvelles technologies. Elles ont d’abord exploré la virtualisation à travers un voyage fascinant, au cours duquel on a cherché à tout numériser: textes, images, sons, relations sociales, etc… . Maintenant elles s’intéressent à l’actualisation. On en revient à la réalité tangible, aux objets, aux lieux, aux surfaces. Mais il faut être conscient que virtualisation et actualisation forment un cycle, comme l’a bien montré Pierre Lévy. On voit déjà des questions qui pointent sur les retombées des imprimantes 3D dont l’usage est à double sens. Un réparateur qui téléchargera et imprimera des pièces détachées en fait un usage intelligent, contrairement à celui qui produira toutes sortes de gadgets inutiles et qui ne contribuera qu’à créer plus de déchets. Rappelons-nous qu’on a jamais tant imprimé depuis que les imprimantes numériques existent. Il ne faut cependant pas tomber dans le catastrophisme. Les neurosciences nous apprennent que les technologies ne font qu’imiter la nature et ne s’en éloignent jamais tout à fait: c’était le cas de l’écriture et de la musique. C’est certainement aussi celui des technologies actuelles qu’on accuse peut-être à tort de toutes sortes de maux. Cela nous incite à penser que ces cycles de virtualisation et d’actualisation se succéderont, apportant tour à tour des correctifs aux exagérations. Bien entendu, cela ne dispense pas l’homme de se montrer responsable, critique vis-à-vis des technologies et de leurs applications. Il faut espérer qu’un jour, on parlera de philosophie et d’éthique à Lift.