La qualité du contenu sur Internet dépend aussi de la manière dont est comprise la nation de droit d’auteur. En effet, si ce droit est tout à fait légitime puisqu’il permet de reverser des royalties aux créateurs, il ne devrait en rien entraver la vie d’une oeuvre. Nous évoquerons certainement plusieurs fois ce thème dans le fil de ce blog. Nous ne verrons aujourd’hui que le destin post-mortem des droits d’auteur.
Comme un bien matériel, le droit d’auteur peut s’hériter. Bien souvent les auteurs, écrivains ou musiciens, ont des héritiers directs: un conjoint, des enfants. Mais parfois les ayant-droits peuvent avoir des liens très indirects: Ravel a laissé ses droits à sa femme de chambre. Et il arrive aussi, dans le cas du conjoint, qu’il s’agisse d’une jeune veuve qui aura illuminé les dernières années de l’existence d’un génie. Peu importe. Ces droits courent pendant 70 ans après le décès de l’auteur. Pendant ce laps de temps, les héritiers touchent des droits, ce qui peut être légitime (surtout dans le cas d’un artiste dont les mérites ne furent reconnus qu’après sa mort). Mais en plus, ils peuvent gérer le devenir de l’oeuvre. C’est ce qui pose problème. La manière dont une veuve, éplorée ou non, voit le futur d’une oeuvre artistique ne correspond peut-être pas avec ce qu’aurait souhaité l’auteur, ni même avec l’impact qu’a cette oeuvre dans la sphère culturelle. Loin de nous l’idée de contester la notion de propriété intellectuelle, mais il faut admettre, dans certains cas, qu’une oeuvre prend une telle place dans la culture que son destin ne peut rester dans des mains capricieuses … ou intéressées. C’est le cas de Tintin, qui a acquis sa place dans le patrimoine mondial déjà du vivant de son auteur. C’est aussi celui de l’oeuvre de Borges, dont l’édition complète dans la Pléiade est bloquée par une controverse entre sa veuve et un spécialiste de son oeuvre.
Pourquoi ne pas changer un peu de point de vue et admettre que si les royalties sont toujours versées aux héritiers d’un artiste, sur la base des revenus correspond au marché, la possibilité de publier, d’éditer une oeuvre ou même d’y donner une suite doit être libérée dès la mort de son auteur. De même, il faut être libéral en matière de citation et de pastiche. Sinon on risque de voir se figer des oeuvres, mais aussi de les faire sombrer dans l’oubli. Si on prend l’exemple de la poésie, on trouve facilement les auteurs tombés dans le domaine public sur des sites comme Gallica ou Poésie française. Mais les auteurs plus récents sont quasiment absents du Net. A part ceux qui sont déjà très connus, comme Eluard ou Claudel, combien seront oubliés, faute d’avoir été facilement accessibles?
Les choses changent et il existe aujourd’hui une conception nouvelle des droits d’auteur, que l’auteur peut déterminer lui-même. On les trouve sur le site de Cratives Commons. Il est possible, par exemple, de permettre la copie à volonté d’une oeuvre (texte, photo, …), mais d’en interdire la modification. On peut aussi tout autoriser ou tout interdire. C’est finalement à l’auteur de déterminer ce qu’il souhaite pour son oeuvre.
Enfin, on remarque aussi, avec le phénomène open source ou avec Wikipédia, que la notion de propriété intellectuelle tend à disparaître dans certains domaines, au profit d’un nouveau paradigme de création collection. Dès lors, les oeuvres de l’esprit sont issues d’un processus collectif et appartiennent à cette collectivité.
Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins: CLIC
Creatives Commons: CLIC
Gallica: CLIC
Poésie française: CLIC
A propos du projet d’édition des oeuvres de Borges, on peut lire un article dans le Courrier: CLIC
A lire:
Philippe AIGRIN, Cause commune, Fayard, Paris, 2005