La Fondation Bodmer, sise à Cologny, dans le canton de Genève, s’apprête à vendre de précieux papyrus afin d’assurer son fonctionnement. La communauté scientifique réagit. Une lettre, signée par de prestigieux érudits, a été envoyée à la Fondation Bodmer.
Bien entendu, on ne peut que se désoler de cette décision. Les papyrus en question pourraient se retrouver dans un autre musée, mais aussi dans une collection privée. Dans ce cas, ils ne seraient plus forcément mis à la disposition de la communauté des chercheurs. Malheureusement cette vente n’est pas un cas isolé. Selon le quotidien « Die Welt », un musée allemand pourrait être contraint de vendre son Monet pour financer des travaux de réfection*. Quant à la Fondation Bodmer, elle s’est déjà défaite de plusieurs pièces de sa collection, afin de procéder à de nouvelles acquisitions**. Comme dans tant d’autres musées, les budgets de fonctionnement ne sont pas proportionnés ni aux richesses des collections, ni aux développements architecturaux. Dans le cas précis, une extension dessinée par Mario Botta a été inaugurée en 2003. On sait que les budgets de construction et de fonctionnement sont toujours séparés et que la perception du coût dans l’un et l’autre domaine ne sont identiques. Rien n’est jamais trop beau quand il s’agit de construire un bâtiment. En revanche, on renâcle souvent pour financer des postes supplémentaires ou simplement donner des moyens d’animer un musée.
Mais faut-il pour autant s’attrister et imaginer le départ de ces papyrus comme une perte impossible à compenser ? C’est sans compter le secours des technologies de l’information. En lisant les pages consacrées à Martin Bodmer, le fondateur de cette bibliothèque, sur le site de la Fondation, on constate qu’il avait en tête un projet de réunion d’œuvres très universel. Né en 1899, il pouvait légitimement penser qu’une bibliothèque pouvait, seule, incarner son projet. Aujourd’hui, de nouveaux outils permettant de réunir et de mettre à disposition des œuvres de l’esprit considérées comme essentielles sont à notre disposition. Et la Bodmeriana, comme d’autres institutions, y a recours. Il est désormais possible de numériser, avec une qualité très élevée, des documents, qu’il s’agisse de papyrus, de manuscrits médiévaux ou de manuscrits d’auteurs plus récents. Les substituts numérisés peuvent ensuite être accessibles au monde entier sur Internet. Les fichiers en haute résolution peuvent être affichés à l’écran et sont nettement plus lisibles que l’original. Comme ils sont agrandis par rapport à ce dernier, ils permettent de voir des détails infimes. Enfin cette solution évite de devoir sortir régulièrement ces documents précieux.
Si on veut en avoir le cœur net, il suffit de se rendre sur le site du projet e-codices***, dont le but est de mettre à disposition les manuscrits suisses sous forme numérique. Piloté par l’Université de Fribourg, il offre déjà plus d’une centaine de manuscrits, dont la plupart viennent de la Bibliothèque de Saint-Gall. On y trouve aussi trois manuscrits de la Fondation Bodmer.
Cod. Bodmer 147, v. 250, www.e-codices.ch
Si ces papyrus sont définitivement promis à la vente, qu’ils soient au moins numérisés (si ce n’est déjà fait), et que leurs substituts numériques soient versés dans une ou plusieurs bibliothèques virtuelles (si ce n’est déjà le cas). Leur localisation précise importera moins, du moment qu’ils seront en tout temps disponibles pour tous. Rien ne devrait s’opposer à cela, du moment que les droits d’auteur sont tombés depuis longtemps.
* http://www.welt.de/data/2006/09/01/1017930.html
** http://www.fondationbodmer.org/fr/bibli … -34-4-4-1/
*** http://www.e-codices.ch/