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Musée virtuel muséographie virtuelle Second Life

La trame du temps

La muséographie classique s’aventure parfois en dehors des musées et occupe certains espaces comme des passages sous-voies ou des halls de supermarché. Ces escapades l’obligent à repenser un peu la manière dont elle présente ses objets. Néanmoins elle reste dans son élément fondamental, à savoir un espace, un lieu. La muséographie virtuelle en ligne doit, elle, complètement réinventer la présentation de ses objets. Elle n’a pas forcément de lieu où s’exprimer et si espace il y a, c’est celui de l’écran d’un ordinateur ou alors un espace virtuel. La question n’est pas tant d’attirer les visiteurs dans un lieu que de susciter une curiosité qui les fera passer un peu de temps devant leur écran. Dans la muséographie virtuelle en ligne, le temps est un critère décisif. Le temps de l’Internet est devenu une suite de moments plutôt qu’un temps linéaire ou un temps cyclique. Néanmoins chacun de ces moments peut être caractérisé, soit par rapport au calendrier classique (saisons, fêtes, etc.), soit par rapport aux périodes de l’existence (enfance, parentalité, retraite, etc.). L’intérêt du visiteur potentiel peut donc être mobilisé par le biais de ces éléments temporels. De plus, comme ce visiteur n’a pas à se déplacer, il peut consacrer une série de moments à un projet muséal. Ainsi le calendrier, sous toutes ses formes, peut structurer une exposition, au même titre que l’espace dans un musée classique.

Depuis quelques années, nous nous sommes intéressés au calendrier de l’avent comme une forme intéressante de muséographie en ligne. Tout d’abord, il s’agit d’une tradition bien ancrée dans la culture occidentale. Ensuite, le calendrier de l’avent s’appuie sur l’impatience dans l’attente d’un moment fort. Une série de petites surprises est censée atténuer cette impatience pour le moment où l’on recevra une grande surprise. La surprise elle-même suscite la curiosité: que découvrira-t-on derrière une porte? Que verra-t-on demain? Nous avons mené plusieurs expériences avec des calendriers de l’avent. La première consistait à utiliser un blog et à publier chaque jour un texte littéraire en rapport avec Noël muni d’une page de calendrier. La seconde expérience est celle du Calendrier de l’AVANT qui joue sur l’homonymie avant-avent. Pour rappel, le terme avent signifie l’attente. Le Calendrier de l’AVANT, qui en est à sa deuxième année, présente des aspects du passé lointain de l’homme. Chaque jour, il met en avant une découverte, une conquête (1ère année) de l’homme ou bien s’intéresse aux aspects plus immatériels de son histoire, comme l’amour, le deuil, le plaisir (2ème année). Derrière chaque porte se cache un montage graphique muni d’un titre et d’un petit texte.

Exploration

http://www.be-virtual.ch/adventcalendar/

Les échos que nous avons eus de cette expérience est que les gens trouvent agréables d’acquérir (ou de rafraîchir) des connaissances sur le passé de l’homme sous cette forme, légère et amusante.

Nous avons aussi installé un autre calendrier de l’Avent dans Second Life. Le projet s’intitule « 24 Masters » et consiste à offrir 24 oeuvres picturales dont le thème est la Nativité: adoration des Mages, adoration des bergers. Les oeuvres proviennent du Moyen-Âge, de la Renaissance et de la période baroque. A côté de tableaux, on trouve aussi des enluminures de manuscrit et des dessins ainsi qu’un poème. Chaque oeuvre est accompagnée d’une brève notice. Visiblement quelques avatars cherchent à obtenir l’ensemble des oeuvres présentées. A la fin, les contenus de l’ensemble des portes seront disponibles.

Calendrier de l’Avent

SLURL: http://slurl.com/secondlife/Colonia%20Nova/56/163/38

En fait, tout ce qui est temporel se prête à un traitement muséographique en ligne. Les internautes sont prêts à visiter plusieurs fois un même endroit si une trame temporelle s’y déroule. Ils peuvent aussi être alertés par des fils de syndication et venir découvrir une nouveauté. La muséographie en ligne peut s’appuyer sur le rythme infernal de l’actualité sur Internet et utiliser les mêmes outils.

Un autre exemple de trame temporelle est la frise chronologique. On l’a déjà évoquée dans ce blog. Les sites muséaux l’ont déjà adoptée. La frise chronologique permet de présenter des oeuvres d’art ou des objets archéologiques sur une ligne qui correspond au temps. Mais on pourrait songer à d’autres formes comme le feuilleton. Du reste, le journal Le Temps lance ces jours un feuilleton consacré à un personnage méconnu de la grande histoire, Reynold Thiel:

http://www.letemps.ch/dossiers/2008thiel/

Le journal se réclame du genre du feuilleton, très en vogue dans la presse du 19ème siècle. Il faut avouer qu’Internet se prête particulièrement à un tel traitement.

Il est évident que la muséographie virtuelle en ligne induit un certain nombre de changements dans la présentation de ses objets. Le transfert d’une présentation dans l’espace à une trame temporelle en est un. Tout comme l’espace, le temps est porteur de dramatisation. Le théâtre classique ne réclamait-il pas cette unité de lieu et de temps, montrant par là une certaine équivalence de ces deux dimensions? Seul le théâtre est capable de les associer pleinement. Un musée réel est surtout un espace, mais la visite s’y déroule dans un laps de temps réduit. Le site Internet a l’espace étriqué de l’écran à sa disposition, mais il peut se développer dans le temps et même (avec un peu de programmation) jouer avec lui.