Les 4 et 5 juillet avait lieu, en marge du Festival international du film fantastique de Neuchâtel (NIFF), la seconde édition du symposium « Imaging the Future ». J’y avais été invitée pour parler de Second Life. Cette participation m’a permis de découvrir l’univers du jeu vidéo tant du point de vue esthétique, culturel et historique que du point de vue de sa production technique.
Le matin du 5 juillet, Pierrick Thébault a présenté le jeu vidéo comme une production culturelle, en mettant en avant son évolution graphique qui part d’une abstraction extrême (Pong) au photo-réalisme, en passant par des styles influencés par la BD. Aujourd’hui les créateurs ont une vaste palette à disposition et les ordinateurs ont de grandes capacités de calculs. De fait, le retour à l’abstraction ou à la stylisation sont de véritables choix maintenant.
Cette journée a été l’occasion de mieux comprendre la fabrication de ces jeux qui est très couteuse. On a eu la démonstration de deux systèmes permettant de faciliter le travail des créatifs qui devraient pour mieux se concentrer sur le scénario et le contenu et s’éviter des routines fastidieuses. La société Pixelux a présenté son logiciel permettant de simuler la cassure de matériaux divers (DMM). Cet outil permet de créer les séquences où des éléments de décor (mur, barrière, etc…) sont détruits lors d’un impact. Il s’agit de simulation en temps réel, donnant une grande impression de réalisme. Le principal client de cette firme n’est autre que Lucas Arts qui l’utilise actuellement pour créer un nouveau sur Stars War, « The Force Unleashed ».
http://www.pixeluxentertainment.com/
http://www.lucasarts.com/games/theforceunleashed/
Hyperion, présenté par Samir Fitouri, est un outil conçu pour aider les développeurs et les artistes à créer rapidement des solutions 3D en temps réel, par exemple des démos, des jeux, etc… Cette application met le 3D en temps réel à la portée des personnes ayant peu d’expérience dans le domaine. De plus, il est gratuit pour une exploitation non commerciale.
http://www.ozone3d.net/hyperion.php
http://www.hypergraphics3d.com/
Parmi les démos présentées, une m’a particulièrement frappée. C’est une galerie virtuelle d’un artiste-peintre. En s’approchant des tableaux, on peut voir le relief de la peinture et les effets de la lumière dessus. Avec cela, le musée virtuel n’est pas loin …
http://www.aziz-elhihi.ch/galerie_virtuelle.php (ne marche pas sur Mac)
Avec ma présentation, on rejoignait le style 3D quick and dirty de Second. J’ai d’abord essayé de montrer que SL n’est pas un univers aussi virtuel qu’on l’imagine, si l’on se réfère à la définition de Pierre Lévy. C’est un univers actualisé, qui impose maintenant beaucoup de contraintes à celui qui y entre. De même, SL n’est pas un jeu au sens du terme anglais « game », car il n’y a ni score, ni quête. En revanche, il est possible d’y jouer, si l’on donne à jeu le sens du mot anglais « play »: le jeu des enfants, le jeu de l’acteur. Il est du reste vrai qu’il existe dans SL des zones où l’on pratique le jeu de rôle.
J’ai ensuite essayer de montrer que SL est un système qui a permis la rencontre de deux univers qui ont évolué en parallèle, l’univers de la visualisation 3D d’une part, qui s’est pendant longtemps limité au jeu, mais qui a aussi d’autres applications (simulation, imagerie médicale, etc…) et, d’autre part, Internet dans ses développements actuels.
Chat
Pour beaucoup de résidents, SL est un vaste chat 3D, dont il existe d’autres exemples, comme ActiveWorlds. Dans SL même, la voix est bientôt disponible.
Web 2.0
C’est le principe selon lequel les utilisateurs produisent le contenu. On le voit à l’oeuvre dans la blogosphère, Wikipédia. SL est basé uniquement sur ce principe. En effet, tout ce qu’on voit dans SL, des bâtiments aux vêtements a été créé par les résidents.
Open source
La notion d’open source est bien implémentée dans SL. Beaucoup de créateurs mettent à disposition gratuitement leurs produits. Les résidents sont friands de ces caisses d’objets gratuits qu’on appelle ds freebies. IBM met à disposition de ses visiteurs une bibliothèque de script. Beaucoup de résident collaborent et échangent scripts, textures et petits trucs.
Long tail
Il est impossible, pour des raisons de performance du système informatique, d’attirer une grande affluence dans un sim. Avec plus de 40 avatars, il peut « crasher ». Par conséquent, l’offre de SL correspond au modèle que l’on observe sur Internet, celui de la « long tail » ou longue traîne (de robe de mariée), à savoir celui d’une offre très vaste, mais de niche.
GeoWeb
Le développement de l’approche géographique sur Internet se retrouve aussi sur SL. En effet, la carte générale constitue un des outils de navigation dans le monde.
Internet des objets
SL est une préfiguration de l’Internet des objets. En effet, les avatars comme les objets et les actions répondent tous à un identificateur unique, mais avec la même architecture (comme les codes barres). Les objets sont capables de communiquer avec les avatars.
Voir SL sous cet angle permet mieux d’en comprendre les enjeux. Il constitue une partie de l’éco-système informationnel qui est en train de se mettre en place et montre que les univers 3D constituent aussi des modes d’accès à l’information (pour autant que cela ait une pertinence). De même, l’avatar est un moyen de parcourir cet éco-système informationnel et d’interagir avec lui. Il est difficile de savoir aujourd’hui quel sera l’avenir de SL, qui sera probablement en concurrence avec des systèmes analogues. Il est cependant certain que, grâce à lui, univers 3D et avatars ne seront plus confinés à l’univers du jeu et qu’ils entrent dans la boîte à outil des architectes de l’information. SL constitue une préfiguration du Web 3D.
Programme du symposium « Imaging the future »